Hi-Fi Rush | Un concert en guise d’aventure

par Anthony F.

En janvier 2023 sortait un titre qui a pris tout le monde de surprise. Sorti immédiatement après son annonce lors d’un Developer_Direct de Xbox et Bethesda, le jeu Hi-Fi Rush a évidemment joué sur l’effet de surprise pour attirer l’attention. Pour la première fois, le studio Tango Gameworks s’aventurait sur un terrain différent, pourtant habitué aux jeux d’horreur, mais force est de constater que cela ne les a pas empêchés de produire quelque chose de grande qualité. Le titre a pu en outre profiter d’une sortie sur le Xbox Game Pass sur Xbox Series X|S et PC, permettant aux abonné·es de l’essayer dès sa mise en linge.

Le rythme dans la peau

© 2023 Bethesda Softworks LLC, a ZeniMax Media company. Tous droits réservés.

Le premier contact avec Hi-Fi Rush est désarçonnant. Son univers ultra-coloré et ses animations d’une qualité assez folle donnent d’abord l’impression d’être face à un anime bénéficiant d’une grande qualité de production. Puis rapidement, le jeu nous donne la main, et l’effet est immédiat. Aussi beau que ses cinématiques, le jeu pose immédiatement les bases de ce qui va nous accompagner jusqu’au bout de l’aventure : des animations calquées sur un rythme représenté par des objets qui bougent dans le décor, ainsi qu’un métronome (activable, au choix) pour nous aider, une direction visuelle en cel-shading pour accentuer le côté dessin animé de l’aventure, et un héros nommé Chai qui étonne par sa bonne humeur et son optimisme. Il se retrouve pourtant vite en mauvaise posture, tentant d’intégrer une grande société qui lui promet un nouveau bras cybernétique afin de palier à son handicap, avant de vite se rendre compte que les choses sont bien plus compliquées. A tel point qu’il se retrouve pourchassé par ladite société, une corporation qui cache évidemment de terribles secrets, tandis qu’il rêve de devenir une rockstar. Passionné par la musique, il se met soudainement à bouger en rythme, après s’être vu… greffer un lecteur de musique dans son torse. Oui, c’est loufoque, mais cela fonctionne étonnamment bien. Parce que c’est le bon esprit qui se dégage de l’aventure qui nous donne envie de nous laisser entraîner par la musique, très tendance rock des années 1990, entre Nine Inch Nails et The Prodigy. Avec son aspect cartoon et la super interprétation des voix japonaises, Hi-Fi Rush ressemble à un grand délire dans lequel les développeur·euses nous embarquent avec la volonté de passer un bon moment, sans conséquences, juste un plaisir autour d’un jeu de rythme atypique.

Hi-Fi Rush n’a évidemment rien inventé, des jeux qui jouent sur le rythme de la musique pour attaquer des ennemis, on en a vu pléthore ces dernières années. Il y a eu par exemple Crypt of the NecroDancer, mais là où le jeu de Tango Gameworks se distingue, c’est qu’il va au-delà du gimmick. Car le titre propose une histoire pleine d’humour, avec des personnages attachants et un certain recul sur l’improbable de certaines situations. Son humour se renouvelle sans cesse et apporte une certaine légèreté au monde qu’il dépeint, pourtant sacrément pourri par une corporation capitaliste qui ressemble à toutes celles qui nous exploitent dans le monde entier avec l’assentiment des gouvernements. Hi-Fi Rush ressemble un peu à ce que l’on aimerait faire parfois au boulot : tout envoyer bouler et s’éclater sur le chemin de la maison avec un casque sur les oreilles nous sortant de la bonne musique. Un esprit de rébellion rendu possible par une narration qui n’a que faire des considérations habituelles autour d’une quelconque nuance : ici les méchants sont très méchants, et on prend un plaisir non négligeable à leur mettre des grosses tartes dans la face avec une vieille guitare. Il faut dire que l’on est bien incité·es à le faire par Peppermint, un petit chat robotique qui nous file un coup de main pour foutre le zbeul dans une entreprise que tout le monde déteste.

Le rythme, ça s’apprend

© 2023 Bethesda Softworks LLC, a ZeniMax Media company. Tous droits réservés.

Le gameplay basé sur le rythme peut effrayer au départ. Parce que tout le monde n’est pas doué d’un rythme parfait, et parce qu’être capable de sortir ses meilleures notes au piano ou des riffs d’anthologie à la guitare n’est pas la même chose que de tapoter les touches d’une manette en rythme. Alors très intelligemment et selon le mode de difficulté choisi, le jeu offre plus ou moins de tolérance dans la rythmique pour sortir les différents combos. Cela permet de s’amuser sans se prendre la tête à cause d’un coup sorti sur le mauvais rythme, mais aussi d’apprendre doucement, peu à peu, la rythmique du jeu pour aller un peu plus loin dans le scoring (du moins, pour celles et ceux que cela intéresse). J’ai surtout beaucoup apprécié la volonté du jeu de débloquer les différents combos au compte goutte, laissant le temps de se familiariser avec chacun d’entre eux et de pouvoir expérimenter. Chaque nouveau combo s’accompagnant souvent de nouveaux ennemis à comprendre et à maîtriser, puisqu’ils ont tous des patterns différents qui obligent à diversifier les approches. Même à plus de la moitié du jeu, on continue de découvrir de nouvelles mécaniques et de nouveaux ennemis, preuve en est que Hi-Fi Rush a beaucoup de choses à offrir et qu’il ne cesse de se renouveler.

Cela se ressent d’autant plus dans les combats de boss qui n’ont de cesse de proposer de nouvelles idées, obligeant à utiliser à chaque fois les dernières mécaniques apprises, mais qui introduisent aussi de nouveaux éléments qui permettent souvent de sortir du simple combat en rythme. Ces combats sont en effet l’occasion d’ajouter quelques séquences de QTE, ces séquences où il faut appuyer sur les bonnes touches au bon moment, mais toujours avec beaucoup d’inventivité, sans tomber dans l’écueil de la facilité d’une mécanique souvent boudée. Mais tout n’est pas rose sur l’aventure de Hi-Fi Rush, qui souffre notamment de séquences de plateformes assez ratées, rallongeant certains niveaux qui auraient gagnés à être plus concis.

A la hauteur de l’évènement

© 2023 Bethesda Softworks LLC, a ZeniMax Media company. Tous droits réservés.

Le jeu parvient toutefois à faire passer ces séquences moins réussies grâce à une direction artistique toujours succulente. Avec un style visuel super accrocheur, entre sa 3D en cel-shading du plus bel effet, mais aussi et surtout ses scènes cinématiques type anime qui fonctionne formidablement bien, et les transitions entre cinématique et gameplay qui se font avec une fluidité sans pareil. Quasiment sans interruption ni chargement, avec une 2D qui se mue en 3D l’air de rien, c’est toujours des moments impressionnants et la preuve que les artistes 2D ont pu travailler main dans la main avec les concepteur·ices 3D du jeu pour offrir une grande fresque d’une grande beauté. Quant à la bande originale, élément fondamental du jeu, elle mélange des titres connus à des compositions originales, ces dernières parvenant parfaitement à s’intégrer dans la playlist de chansons connues pour constamment offrir un rythme dantesque au jeu. Et ce sans tomber dans la facilité ni dans la répétition, la bande originale étant capable de se renouveler à chaque niveau afin de ne jamais lasser (ce qui est quand même indispensable pour un jeu où la musique ne s’arrête pratiquement jamais).

Enfin, c’est une vraie question que pose Hi-Fi Rush à l’industrie du jeu vidéo actuelle. On le voit mois après mois, année après année, que les joueurs et les joueuses n’ont de cesse d’être abreuvé·es de bande annonces en tout genre, de promesses diverses et variées, dans l’unique but de créer de la sensation, ou la « hype » autour des jeux à venir. Mais le jeu de Tango Gameworks a réussi son coup en prenant cette industrie à contrepied : mis à part un leak malvenu la veille de l’annonce du jeu, son existence était inconnue de tous·tes jusqu’à l’annonce officielle, et sa sortie immédiate dans les minutes qui ont suivies. Cela a évidemment provoqué l’intérêt et poussé bon nombre de personnes à se lancer, d’autant plus que le jeu sortait immédiatement sur le Game Pass et pouvait être joué sans débourser un centime de plus pour les personnes déjà abonnées. C’est probablement là la raison d’être d’un tel service (ou tous ceux assimilés) : cela permet à des titres, peut-être moins chers à développer que des AAA, de se trouver un public qui n’aurait peut-être pas déboursé trente, quarante, cinquante euros pour le jeu, mais qui se permettent de l’essayer grâce à la possibilité d’y accéder avec leur abonnement et qui finissent parfois par tomber amoureux·euse. Je dois l’avouer, je suis moi-même dans ce cas. N’étant pas un fan des jeux du studio, je n’y aurais certainement pas joué sans mon abonnement au Game Pass.

Hi-Fi Rush est la preuve que, en 2023 encore, le jeu vidéo a encore beaucoup de choses à raconter. Ce n’est pas une surprise pour les personnes habituées aux jeux indépendants qui ne cessent de trouver de nouveaux concepts pour conquérir le public, mais c’est une vraie surprise de voir un tel jeu chez un éditeur comme Bethesda. Et pourtant, bien que le jeu soit imparfait à cause de ses phases de plateformes malvenues, Hi-Fi Rush est l’une des très belles surprises de l’année, capable de surprendre à chaque instant et de proposer une mise en scène enthousiasmante, avec un système de jeu parfaitement huilé. Avec son ton décalé, frais et bienveillant, c’est un jeu qui m’a fait beaucoup de bien à sa sortie, et quelques mois après, je continue de vous le conseiller et vous inciter à sauter le pas, avec ou sans le sens du rythme.

  • Hi-Fi Rush est disponible sur Xbox Series X|S et PC depuis le 25 janvier 2023. Il est également disponible sur le catalogue Game Pass.

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