Flint : Treasure of Oblivion | Sur les traces de l’île au trésor

by Anthony F.

Cette fin d’année est riche en jeux vidéo, difficile donc de se faire une place, plus encore quand on n’a pas les moyens des ténors de l’industrie. Néanmoins, le studio français Savage Level ne manque pas d’ambitions et s’invite sur nos consoles et PC avec Flint : Treasure of Oblivion, un tactical-RPG dans l’univers de la piraterie, avec un fort accent mis sur une narration empruntée à la BD. Une aventure sympathique qui n’est pas sans défaut, mais qui mérite tout de même que l’on s’y attarde tant elle est pleine de bonne volonté. 

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’un code PlayStation 5 par l’éditeur. 

Drôle de chasse au trésor

@ 2024 Developed by Savage Level. Published by Microids SA. All rights reserved

Inspiration très libre de l’univers de L’île au trésor de Robert Louis Stevenson, Flint nous met dans la peau du capitaine du même nom, bien aidé par son compère Billy Bones. Ils se sont déjà fait une sacré réputation, et sont rattrapés dès le premier chapitre par les forces navales qui les jettent dans un cachot dans la forteresse de Saint-Malo. Rapidement évadés, ils sont vite en quête d’une place sur un navire partant loin de là. Pour ce faire, l’une des principales quêtes du jeu consiste à trouver des allié·es plus ou moins discrètement avant d’aller embarquer sur le Marquis, le navire d’un homme rencontré dans une auberge et partir à l’aventure. En effet, le Capitaine Flint est convaincu de pouvoir trouver un trésor inestimable selon une carte dont il a eu vent quelques temps auparavant. Une expédition de grande ampleur se prépare donc, et le jeu va nous faire passer par toutes les étapes d’une telle histoire : de la constitution de l’équipe à une mutinerie permettant au Capitaine Flint de devenir le chef, en passant par la découverte d’une île quasi-mystique aux affrontements contre des soldats à la solde d’un affreux gouverneur, Flint : Treasure of Oblivion ne manque pas d’ambition narrative. Très linéaire, le jeu est entièrement au service de sa narration et les combats, pourtant assez nombreux, semblent assez secondaires comme on le verra un peu plus tard dans ce test. L’action est en effet essentiellement centrée sur les phases narratives qui se débloquent à mesure que les combats sont réussis, ne laissant ni choix ni réelle exploration, l’histoire étant sur des rails dont on ne dévie jamais. Plutôt bien racontée, l’histoire du jeu s’offre quelques très bons moments, un peu d’émotion, mais surtout un vrai sentiment de vivre une histoire de piraterie qui évoque quelques souvenirs aux amateur·ices de L’île au trésor. Toujours charmante, empreinte de mystères et de bons mots de ses protagonistes, la narration manque toutefois peut-être de personnages secondaires plus présents. Hormis Flint et Billy Bones, les autres sont plus discrets, moins de dialogues, moins d’influence, servant essentiellement d’outils pour faire progresser l’histoire.

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Avec une vue du dessus, façon isométrique, le jeu s’inscrit dans une certaine tradition. Ce qui ne l’empêche pas toutefois de se créer sa propre identité avec une direction artistique charmante qui s’accommode des limites techniques du jeu (qui reste une production AA), associée à de jolis effets de lumière qui apportent une certaine profondeur à l’image. C’est d’autant plus visible dans les scènes de nuit, où les torches illuminent les chemins et les couleurs s’imbriquent joliment. Pourtant, on voit bien les limites du côté des animations, qui sont assez austères et qui rappellent que l’on est face à un jeu à petit budget. Cela n’empêche toutefois pas le studio de faire preuve d’ambition dans sa narration, en proposant une mise en scène via des cases de BD joliment dessinées par Fabrice Druet, à qui l’on doit les BD L’art du crime ou encore Methraton, ainsi que le coloriste Bruno Tatti, qui a travaillé sur des tomes de Blake et Mortimer, ainsi que XIII. Un duo qui fonctionne bien et qui offre quelque chose d’agréable à l’oeil, avec des dessins en mouvement qui s’intègrent bien entre les scènes en 3D en se superposant à l’image. Cela est d’autant plus malin qu’en allant du côté de la BD, Flint en appelle aux origines littéraires de son histoire. Cela permet, d’autant plus, de passer outre les animations limitées des séquences en 3D pour s’offrir une narration convaincante, même si l’histoire déroule très vite et passe parfois du coq à l’âne. C’est peut-être à cause de l’envie de beaucoup en montrer : chasse aux trésors, conflit contre la marine, libération d’esclaves sur un navire, rencontre d’un peuple indigène ou abordage de navires hostiles, le titre multiplie les directions et tente beaucoup de choses sur un temps voutant plutôt resserré, sachant que l’histoire se termine en dix à quinze heures tout au plus.

Un système hésitant, des combats secondaires

@ 2024 Developed by Savage Level. Published by Microids SA. All rights reserved

Partie intégrante de sa narration, les combats de Flint sont curieusement peu nombreux. On aurait pu penser en avoir beaucoup plus, mais il s’avère en réalité qu’ils ne sont que des moteurs narratifs, quitte à en limiter la portée. En effet, face aux impératifs du récit, le jeu force un peu les combats en imposant des règles de défaite qui peuvent être frustrantes, comme l’impossibilité de laisser tomber au combat certains personnages (leur mort provoquant le game over et l’obligation de le recommencer), quitte parfois à ce que cela concerne 3 ou 4 personnages sur les 5 ou 6 que l’on contrôle au même moment. Ce système est contrebalancé par un système de vie permettant aux personnages de tomber plusieurs fois au combat avant une véritable mort (en limitant à chaque fois leurs statistiques d’attaque et de défense), mais il trouve vite ses limites face à des ressources trop peu nombreuses pour soigner les personnages entre deux affrontements et donc faire remonter le nombre de « morts » autorisées. Pourtant les combats tactiques ont quelques bons moments, avec une IA pas bête du tout et un level design qui permet de prendre à revers les adversaires (ou de l’être soi-même), et qui joue sur la verticalité pour prendre l’ascendant. On a toutefois trop souvent l’impression d’être sur des rails.
En effet, en limitant au maximum les combats à ceux liés à l’avancée de l’histoire, c’est-à-dire deux ou trois par chapitre tout au plus, le jeu n’offre pas de possibilité de les enchaîner pour gagner de l’expérience et se faciliter la vie par la suite, une expérience qui consiste à gagner de l’argent et l’investir dans sa trentaine de combattant·es. En réalité, il faut donc pleinement intégrer les règles de jeu à base de lancer de dé. Malheureusement, ces règles sont assez mal expliquées, faute de véritable tutoriel. Il faut se contenter d’une page de règles succincte qui est accessible à tout instant en appuyant sur une touche (triangle sur PS5). La difficulté est heureusement assez bien cadrée, le jeu étant relativement simple (et ce en l’absence de choix de difficulté) et ne pénalise pas les défaites puisque tous les combats peuvent être recommencés autant que nécessaire. 

Son ergonomie lui pose en outre quelques soucis, avec des menus assez obscurs, une navigation en combat sur l’espace tactique assez pénible à la manette, pour un jeu qui semble avoir essentiellement été pensé pour le PC. Mais il y a de si bons moments narratifs et un univers si enchanteur qu’on a parfois tendance à oublier ces errements d’un jeu imparfait et hésitant. Fort de l’écriture de ses deux personnages principaux, de sa mise en scène à la manière d’une BD et de ses inspirations qui font plaisir, Flint : Treasure of Oblivion a tout de la jolie petite surprise. À condition d’accepter ses soucis d’ergonomie et son système de combat peut-être trop dépendant de sa narration. Parce que malgré cela, le titre a tout du charmant petit jeu d’aventure pour accompagner la fin d’année.

  • Flint : Treasure of Oblivion est sorti le 17 décembre 2024 sur PC, PlayStation 5 et Xbox Series X|S

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