S’il y a bien un bouleversement qui a eu lieu ces dernières années dans le développement de jeux vidéo, c’est l’accessibilité toujours plus grande à des moteurs de jeu autrefois réservés à des studios qui en ont les moyens (à cause des coûts de licence) et les capacités technique de les gérer. Aujourd’hui, beaucoup de studios plus modestes peuvent profiter de la puissance d’un moteur comme l’Unreal Engine 5 et offrir des jeux qui, visuellement, les placent à un niveau qui masque un budget plus maîtrisé. Ça a été le cas d’un Clair Obscur: Expedition 33 plus tôt cette année, et c’est le cas de Echoes of the End, un jeu d’action-aventure développé par le jeune studio islandais Myrkur Games qui y propose une aventure de fantasy inspirée par leur les beautés naturelles de l’Islande. Le jeu est sorti le 12 août 2025 sur PlayStation 5, Xbox Series X|S et PC.
Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’un code par l’éditeur. L’aventure du jeu a été terminée sur PS5 en environ 12h.
Un monde en péril
Echoes of the End nous met dans la peau de Ryn, une guerrière ou « vestige », c’est-à-dire une personne capable de manipuler la magie. Voyant son frère être enlevé par les soldats de l’empire, elle part à leur chasse et fait rapidement la rencontre de Abram, un vieil intellectuel qui semble passionné par l’histoire de leur monde, Aema, et qui veut l’accompagner pour comprendre ce qu’il se trame en toile de fond alors que les soldats de l’empire mettent tout à feu et à sang. Très classique, son histoire montre vite ses limites avec un monde dont les inspirations islandaises ne suffisent pas à donner du corps et de l’esprit. Presque générique, ce monde-là ne parvient pas à s’extirper des clichés de la fantasy, pas plus que l’aventure ne parvient à surprendre malgré quelques révélations distillées ici et là, qui tentent péniblement de renouveler l’intérêt. Mais là où le jeu s’en sort très bien, c’est sur la dynamique entre Ryn et Abram, dont les conversations animent l’essentiel des dialogues du jeu. Qu’il s’agisse de petites blagues sarcastiques qu’ils se lancent l’un à l’autre, de conversations sur l’histoire de leur pays, ou de remarques sur les zones que l’on traverse, ces discussions donnent beaucoup de rythme et d’intérêt aux séquences d’exploration (très linéaire) et d’action. On se prend même d’attachement pour les deux, tant la dynamique entre la guerrière et le vieux sage est réussie bien que peu originale. Ryn est un personnage plutôt malin, une femme dont l’expérience au combat la rend particulièrement féroce face aux nombreux ennemis qui se dressent sur notre route, qu’il s’agisse de soldats ou de bêtes mythologiques, tandis que la malice et les réflexions de Abram apportent à leur relation et à l’histoire un liant nécessaire. Au-delà de l’urgence de retrouver le frère de Ryn, Abram sert presque de guide touristique dans une aventure qui amène les deux jusqu’aux entrailles d’un monde encore méconnu. Leur aventure les emmène en effet dans des zones inexplorées, ou abandonnées depuis longtemps, les poussant à s’interroger sur ce qui fonde réellement leur pays.
Et cet univers de Aema offre quelques panoramas somptueux. L’utilisation de l’Unreal Engine 5 est évidemment un élément important car le moteur, particulièrement reconnaissable avec son aspect visuel souvent grisâtre et sa gestion des lumières, permet aussi au studio, bien que modeste, d’offrir quelque chose de solide visuellement. Mais là où la direction artistique se distingue c’est avec le choix de mettre en scène le jeu dans ce que l’Islande a de plus beau, avec notamment ses terres volcaniques. On n’est évidemment par sur quelque chose d’aussi somptueux qu’un Death Stranding qui s’inspirait du même type d’environnement, mais le jeu a l’intelligence d’exploiter au mieux la mythologie et les environnements dans lesquels s’inscrivent ses origines islandaises pour donner un peu de personnalité à un univers de fantasy qui en manque cruellement. Car en dehors de ses environnements, jolis mais très cloisonnés, Echoes of the End souffre tout de même d’une direction artistique assez banale, qu’il s’agisse de ses ennemis, masse impersonnelle de soldats médiévaux peu inspirés, ses monstres que les jeu régurgite à l’infini (à l’exception du dernier tiers qui oppose plus de diversité sur le bestiaire), ou encore ses pouvoirs et effets lumineux que l’on pense avoir déjà vu dans un paquet de jeu de fantasy ces quinze dernières années.
L’inertie des débuts
Cette difficulté à s’extirper de codes et d’univers déjà connus se remarque d’autant plus que l’aventure souffre d’un manque cruel de renouvellement. Pour l’essentiel, les mécaniques du jeu se dévoilent dans la première heure de jeu. Entre ses combats type « beat them all » qui demandent de maîtriser la garde et l’esquive, ses puzzles à base de pouvoirs cinétiques et sa succession d’arènes, le jeu repose sur une structure qui se répète et qui n’arrive jamais à surprendre. Les combats, pour commencer, reposent sur une seule arme (l’épée de Ryn) avec coup fort et coup faible, auxquels on associe une poignée de pouvoirs qui permettent soit de drainer l’énergie des ennemis pour se soigner, soit de les repousser ou de générer des explosions au sol pour les faire tomber. D’autres pouvoirs arrivent par la suite, mais la plupart s’utilisent de la même manière, avec pour seul subtilité les ennemis disposant d’un bouclier contre lesquels il faut privilégier les pouvoirs pour briser la garde avant de les attaquer à l’épée. Si la garde et l’esquive sont importantes, les mouvements souffrent néanmoins d’une inertie et d’une lourdeur qui empêchent souvent de contrer au bout moment. Que ce soit à cause d’animations et de séquences dont la cohérence nous échappe parfois, par exemple il arrive que des ennemis déclenchent leur attaque quand bien même notre héroïne est en train de les taper, tandis que d’autres fois cela les bloque. Ou simplement parce que l’animation de parade ne se déclenche pas, le jeu donnant le plus souvent la priorité à l’attaque en cours, dont il faut attendre la fin de l’animation pour pouvoir déclencher celle de la parade. Un choix qui manque de peps et qui alourdit des combats déjà rarement captivants. La progression type RPG du personnage avec un arbre de compétences n’y change rien, les compétences à débloquer sont peu nombreuses et apportent bien peu en combat.
Les combats de boss eux-aussi manquent d’idées avec des patterns qui restent très timides. Mais le plus pénible dans l’aventure reste les puzzles, qui pour l’essentiel reposent sur des plateformes à bouger dans le bon ordre au moyen de pouvoirs cinétiques. Occasionnellement, les bonnes intentions s’alignent et le jeu offre un puzzle intéressant, mais pour l’essentiel, c’est trop simple pour offrir le moindre challenge ou réflexion. Cela confère aux puzzles un caractère anecdotique, dont la présence révèle finalement plus une volonté de ralentir la progression pour caser des dialogues entre les deux personnages le temps que l’on vienne à bout d’un puzzle facile mais fastidieux. De fait, ces séquences hachent la progression et la rendent même rébarbative, puisque l’on sait que derrière chaque couloir, ou chaque porte, se cachera soit une arène pleine d’ennemis, soit une phase de plateformes et de puzzles où il faudra encore une fois bouger des plateformes, des caisses et des bouts de murs pour progresser. Ces moments auraient gagné à plus de diversité, mais surtout on aurait aimé que les puzzles soient moins nombreux mais plus ambitieux.
Echoes of the End a deux visages : d’abord une idée généreuse, intéressante, destinée à offrir de la fantasy à la sauce islandaise. Avec quelques jolis panoramas et des personnages attachants, le jeu laisse quelques espoirs dans ses premiers instants. Mais il montre ensuite son autre visage, celui d’un univers finalement très générique, handicapé par une structure de gameplay qui alterne entre des combats peu engageants et des puzzles rébarbatifs. L’histoire, elle, peine à convaincre et trouve vite des limites inhérentes à une volonté de coller au genre de la fantasy. Trop rapidement en manque d’idées, avec des combats de boss à côté de leurs pompes et une bande originale peu mémorable, le jeu de Myrkur Games n’est pas à la hauteur de la curiosité qu’il suscitait et montre qu’un joli moteur, et des environnements réussis, ne suffisent pas.
- Echoes of the End est disponible depuis le 12 août 2025 sur PlayStation 5, Xbox Series X|S et PC.