Il faut avouer que le rythme de parution est bien plus léger sur la collection DC Prime, après l’euphorie de la collection DC Infinite de ces dernières années, Urban Comics ayant souhaité réduire la voilure, et le nombre de séries, pour se focaliser sur ce qui fonctionne le mieux. Alors il fallait compter, avec un peu de retard de notre côté, fin septembre sur une seule sortie : le New Gods de Ram V. Un auteur qui fait office de valeur sûre, tandis qu’on en profite aussi pour parler de l’un des derniers relents de la collection Infinite avec le sixième tome de Batman Superman World’s Finest, sorti fin août.
New Gods – Tome 1, l’histoire d’un bébé irritable
Star de DC Comics ces derniers temps, Ram V est évidemment à la tête d’une nouvelle série qui fait l’actualité. New Gods, c’est l’histoire de divinités dont l’existence est menacée. Un dieu est déjà mort, et par effet papillon, les répercussions sont multiples, jusqu’à révéler les pouvoirs d’un enfant mystérieux trouvé par un couple d’indiens près d’un temple. Pour y voir un peu plus clair, Mister Miracle s’y fait embarquer malgré lui, alors que Orion, obligé de tuer l’enfant (pour une raison qui nous échappe encore à l’instant du livre) lui demande pourtant de le protéger ; il semble ne pas vraiment vouloir accomplir sa mission. Mais là où le récit est savoureux, c’est aussi qu’il fait écho, presque en miroir, à la situation actuelle de Mister Miracle et de Barda, sa femme de toujours, qui sont accaparé·es par leur vie de jeunes parents. Déjà débordé·es par les couches de leur enfant, la question d’aller sauver un enfant inconnu, dont la proximité avec les dieux ne leur est même par révélée, pousse Mister Miracle à vouloir y aller seul sans rien dire à Barda. Pour autant, le récit ne se concentre pas sur ces deux personnages puisqu’il y a de longs chapitres qui mettent en scène Metron, avertissant les habitants de Néo-Genesis et Apokolips de leur funeste destin. Un peu confus par moment, le récit distribue de nombreuses pistes qui seront sûrement alimentées par la suite, mais cela se fait au coût de dialogues un peu alambiquées qu’apprécie particulièrement Ram V mais qui sonnent ici un peu trop pompeux pour vraiment donner envie de s’y intéresser.
C’est le principal problème de ce premier tome. Pas vraiment engageant, trop mystérieux, il arrive à enfin trouver une accroche dans ses deux derniers chapitres (sur les six) grâce, notamment, à Mister Miracle et Barda, mais sans pouvoir éviter le piège dans lequel sont tombés beaucoup d’auteur·ices DC ces dernière décennie. À trop rechercher du cosmique, du symbolisme, des sous-entendus et des considérations pseudo-mystiques, quasi religieuses, beaucoup de comics DC qui explorent les confins de l’univers tombent dans des dialogues assez lourdingues dont les conséquences finissent souvent par tomber à plat. Ici, on ne sait pas encore trop où veut aller Ram V, mais on a déjà les dialogues un peu longuets qui ne font pas toujours sens, avec des personnages comme Lightray et Metron qui se questionnent sur leur être et leurs missions avec une finesse toute relative. C’est assez dommage, tant Ram V sait écrire et a d’ailleurs écrit quelques uns des meilleurs comics de ces dernières années, mais je reste circonspect pour le moment face à ce New Gods. Curieux, quand même, de lire la suite, avec l’espoir que le grand puzzle que constitue ce premier tome trouve du sens dans le second, d’autant plus que le travail de Evan Cagle aux dessins est impeccable.
Batman Superman World’s Finest – Tome 6, héros sans défense
Bien que cette série appartienne à la collection DC Infinite (ce qu’il en reste, du moins, celle-ci étant arrivée en fin de publication), on profite de cet article pour en parler puisque le comics est sorti le même mois que New Gods, Et c’est une des séries que j’ai adoré suivre tout au long de la collection Infinite, pour sa proposition, celle d’un retour vers le kitsch à une époque où Batman et Superman se découvraient l’un et l’autre, mais aussi pour ses charmantes petites aventures qui durent rarement plus de trois ou quatre numéros. Et c’est toujours le cas ici, puisque le sixième tome s’ouvre sur un court chapitre plutôt charmant où Wonder Woman fait venir le duo de super héros, accompagnés de Robin, sur Themyscira. Un évènement exceptionnel, puisqu’aucun homme n’est autorisé sur l’île, mais les circonstances l’exigent : un meurtre a été commis en huis clos, et elle est incapable de trouver le moindre indice. Une histoire sympathique dans le genre du whodunnit qui ouvre plutôt bien ce tome, insistant sur les qualités des différents personnages dans une courte enquête. Puis le tome fait place à ses deux principales histoires, d’abord une avec Eclipso, sorte de bouffon capable de manipuler les esprits, et une autre dans les profondeurs de l’Atlantide.
La première, avec Eclipso, met la Ligue de justice en position de faiblesse puisque Batman et Superman se trouvent sous son emprise. Récit typé blockbuster avec tout ce que cela a de facilités, il rappelle assez largement les petites histoires des comics de l’âge d’or avec un “méchant de la semaine” assez ridicule dont les intentions sont floues, peu développées, mais qui n’existe que pour mettre en valeur les héros. Efficace, cette histoire en trois numéros cadre bien avec l’esprit de cette série. Quant à la dernière histoire, celle de l’Atlantide, c’est l’occasion de retrouver Aquaman, dans une guerre entre deux peuples des fonds marins sur fond de manipulations. Dans la même veine que le récit autour d’Eclipso, on a là quelque chose de léger mais accrocheur, et c’est probablement ce qui résume le mieux cette série. Pas de prises de tête, des moments sympathiques et sans conséquences, avec des héros auxquels on aime s’identifier, c’est véritablement ce dont Batman et Superman avaient besoin depuis très longtemps.
- Les comics des collections DC Prime et DC Infinite sont disponibles en librairie aux éditions Urban Comics.

