DC Infinite #28 | L’ordre et les bottes

par Anthony F.

Urban Comics donne le coup d’envoi d’une nouvelle année pour la collection DC Infinite et pas n’importe comment, puisque l’on débute 2025 avec le très attendu évènement Absolute Power. Un nouveau point d’étape important dans la construction de l’univers DC qui réunit l’ensemble de ses héros et héroïnes, mais qui n’empêche toutefois pas d’autres comics de nous séduire ce mois-ci, entre un très bon cinquième tome pour Batman / Superman World’s Finest, ou de pas moins bonnes conclusions d’arcs pour Poison Ivy Infinite et Dawn of Green Arrow & Black Canary. L’année démarre très bien.

Cette chronique a été écrite suite à l’envoi d’exemplaires par l’éditeur.

Batman / Superman World’s Finest – Tome 5, comme au bon vieux temps

© 2025 DC Comics / Urban Comics

Alternant le très bon et le moins passionnant depuis les débuts de la série, Mark Waid et Dan Mora continuent leur association sur Batman / Superman World’s Finest avec un cinquième tome qui repart sur les premières promesses de la série : ramener les deux justiciers les plus populaires de DC à leurs premières heures. Dans une histoire qui fleure bon le kitsch, on retrouve le duo désemparé face à une réapparition malheureuse de Monsieur Mxyzptlk, le lutin immortel au nom imprononçable mais néanmoins doté d’un pouvoir immense qui, venu de la 5è dimension, alerte nos bons gaillards sur une menace à venir. Lui et Bat-mite, autre lutin magique qui voue un culte à Batman, viennent chercher de l’aide auprès des super-héros alors qu’ils ont du fuir leur monde à cause d’une vieille légende, un magicien qui serait capable de tout détruire. Une entité qui s’amuse à défaire les mondes et à y rechercher la personne la plus puissante après de sinistres affrontements pour pouvoir s’y opposer. Pas vraiment sérieuse mais néanmoins pleine de bons moments, cette aventure qui convoque la magie, une des hantises de Batman et une faiblesse pour Superman, nous ramène directement à une époque un peu moins sérieuse de l’âge d’or des comics où les récits pouvaient être un peu plus légers, avec beaucoup d’humour et de folie, loin de ce à quoi on a depuis été habitué·es. Et c’était la promesse initiale de la série en renvoyant ces deux super-héros à leurs origines, chose qui avait pu parfois se perdre en route, avec un ou deux tomes un peu moins réussis qui perdaient de vue cette promesse.

Alors quel plaisir d’y revenir en fanfare avec la bande de lutins magiques qui viennent mettre le bazar dans le quotidien d’un Batman abasourdi, et un Superman qui peine à garder son sérieux. La personnalité du Bat-mite, le lutin adorateur de l’homme chauve-souris est toujours aussi drôle, s’offrant même un petit moment d’émotion en fin de tome, qui permet de conclure le récit d’une jolie manière. Du côté de la menace du jour, elle est oubliable, mais l’intérêt n’est pas là. Au contraire, cet ennemi au pouvoir improbable ne sert en réalité à Dan Mora qu’à proposer des dessins hauts en couleur, très vifs, avec une action omniprésente, servant l’absurdité des objectifs du grand méchant. C’est un excellent tome pour cette série, qui montre que Mark Waid a encore plein de choses à raconter avec ces personnages sur une tonalité plus kitsch qui leur va bien.

Poison Ivy Infinite – Tome 4, fin d’une révolution

© 2025 DC Comics / Urban Comics

On avait laissé Poison Ivy il y a quelques mois au fond d’un marais en compagnie de Grundy et Killer Croc, où elle avait trouvé un coup de main pour affronter le Dr Jason Woodrue, devenu une sorte d’entité végétale que l’on connaît habituellement dans l’univers DC sous le nom de Floronic Man. Sa quête de révolution écologique avait connu un sérieux coup d’arrêt, la faute à des toxines semées ici et là, censés refleurir le monde, mais qui se sont avérées hors de contrôle, transformant les humains en sortes de zombies. Sur le point de mourir dans un affrontement final qui est bien mal embarquée, elle se remémore soudain de ses premiers pas et de sa rencontre avec Woodrue alors qu’elle n’était qu’étudiante, et lui un scientifique qui prétendait pouvoir changer le monde. L’admiration et la fascination s’est vite transformée en emprise et en violence, alors que les rêves de Woodrue devenaient de plus en plus radicaux, tandis qu’il parvenait enfin à faire un pont entre humanité et plantes, découvrant qu’il y avait peut-être une forme de vie supérieure capable d’unir les deux. Ce long flashback donne beaucoup de coeur à un récit qui a largement maltraité son héroïne, mais qui l’a aussi aidée à s’affirmer et trouver un nouveau rôle, profitant de l’agréable écriture de G. Willow Wilson qui ne manque jamais de rythme, d’une pointe d’humour ici et là, mais surtout de beaucoup d’émotions. 

Le grand combat final vient enfin conclure ce quatrième tome, marquant la fin d’un arc et propulsant Ivy vers quelque chose de différent. C’est une belle fin, mais aussi une transition, puisqu’il y aura un cinquième tome. On savoure également les dessins de Marcio Takara, toujours impeccables, mêlant l’humanité de Ivy (ou ce qu’il en reste) à la nature dont elle s’imprègne. Les couleurs sont belles, le trait est fin, et il est même à la hauteur pour donner beaucoup de mouvement au grand affrontement qui conclut cet arc. Reste maintenant à voir ce qui nous attend pour l’avenir, si l’écriture suggère un retour à quelque chose d’un peu plus conventionnel pour Poison Ivy, le comics ne devrait pas oublier l’évolution de l’héroïne au cours de cet arc. Entre les vérités auxquelles elle a fait face sur sa propre quête, et sa relation avec Harley Quinn qui est évidemment de la partie sur cette conclusion.

Dawn of Green Arrow & Black Canary – Tome 2, le pouvoir de l’amitié

© 2025 DC Comics / Urban Comics

Deuxième et dernier tome, ce Dawn of Green Arrow & Black Canary marque d’abord la fin d’un premier arc des Birds of Prey de Kelly Thompson, avec les épisodes 7 à 12 où Barbara Gordon, toujours poursuivie par une personne d’une autre dimension qui en veut à sa vie, se trouve projetée dans un portail dimensionnel. Disparue, la bande des Birds of Prey s’y jette à son tour et passe d’une dimension à l’autre dans l’espoir de la retrouver et mettre fin à la menace. Si cela ne marque pas la fin du run de Kelly Thompson qui a continué depuis en VO et qui sera, on l’espère, poursuivi en VF dans les prochains mois, c’est tout de même une conclusion pour l’arc raconté dans ce recueil qui reprenait cette série ainsi que le Green Arrow de Joshua Williamson, dont je parlerai juste en-dessous. Comme pour le premier tome qui avait été une bonne surprise, on trouve là encore quelque chose de très solide pour les Birds avec une écriture toujours très intelligente, qui allie l’humour caractéristique de la dynamique entre les différentes héroïnes (Black Canary, Barda, Batgirl version Cassandra…) à l’urgence d’une situation visiblement désespérée dans des dimensions où tout échappe à leur contrôle. Javier Pina peut se faire plaisir au dessin, en variant les styles tout en conservant une tonalité plutôt rétro grâce aux choix faits sur la colorisation. C’est solide, et on espère voir la suite.

Quant au Green Arrow de Joshua Williamson, là aussi, ce n’est pas tout à fait la fin du run de l’auteur sur le fameux archer, mais la fin d’un arc scénaristique. Le découpage est d’ailleurs un peu moins surprenant puisque les numéros suivants de Green Arrow sont centrés sur l’évènement Absolute Power et apparaitront donc dans les comics concernés. Mais avant d’en arriver là, on termine l’arc de ce brave Oliver Queen qui redécouvrait son monde après avoir longtemps disparu dans un univers alternatif. On le voit là apprendre que la Ligue de Justice n’existe plus et qu’elle est remplacée par les Titans, que Superman est désormais associé à Lex/Supercorp, et que… Roy, aussi nommé Arsenal, son coéquipier de toujours, a lui aussi disparu. On s’embarque alors vite dans une histoire de complot autour de Amanda Waller, prémices des évènements de Absolute Power, où elle arrive à convaincre Green Arrow de lui filer un coup de main en échange d’informations sur Roy. Son objectif : récupérer les dossiers du Sanctuaire, lieu de thérapie monté par la Ligue de Justice il y a longtemps pour aider les super-héros et super-héroïnes à prendre soin de leur santé mentale. Évidemment, Amanda Waller, émissaire du gouvernement américain mais farouchement opposée aux justicier·ères, cherche surtout à trouver des dossiers compromettants pour les mettre au pas. Le récit est plutôt sympathique, bien mené et très rythmé, s’offrant même un renouveau dans la quête du Green Arrow qui retrouve un sens à ce qu’il fait. 

Absolute Power – Tome 1, la mise au pas

© 2025 DC Comics / Urban Comics

Le voilà, le grand évènement du début d’année qui avait été largement teasé par Urban Comics. Publié l’année dernière du côté des États-Unis, Absolute Power est un nouveau crossover qui bouleverse les séries principales de la plupart des personnages, en les propulsant dans un monde où la terrible Amanda Waller arrive enfin à ses fins : mettre les super-héros et super-héroïnes derrière les barreaux. L’agente du gouvernement américain s’est historiquement opposé aux justicier·ères en collants, elle qui pense que ces gens amènent plus de danger qu’autre chose à la Terre, et était habituellement cantonnée à diriger la Suicide Squad, où elle exploitait quelques vilain·es pour accomplir ses objectifs. Mais au bout d’un long complot qui lui a permis de gagner en influence, et c’est la suite directe des évènements de Green Arrow dont je parlais juste au-dessus, elle arrive enfin à mettre au pas tout ce beau monde. Mené par Mark Waid à l’écriture et Dan Mora au dessin, tous deux bien aidés par l’ensemble des auteur·ices et artistes des différentes séries concernées, cet évènement s’inspire évidemment de notre monde en allant chercher du côté des fake news et de leur création, alors que Waller profite d’images créées par IA (et difficile de ne pas y voir une critique politique, mais aussi une critique sur la condition de travail des artistes) qui mettent en scène Superman, Wonder Woman et compagnie en train de s’attaquer à des civils. Il n’en faut pas plus pour convaincre une population malléable et abreuvée à l’information en continu, que ce soit à la télé ou sur les réseaux sociaux, et c’est le point de départ d’un nouveau monde.

Un monde où Amanda Waller a les mains libres pour arrêter les personnes dotées de pouvoir au titre de la sécurité nationale, les enfermer sans jugement et leur piquer leurs pouvoirs grâce à des androïdes Amazo, capables de voler les pouvoirs et les utiliser. Très intense mais aussi plutôt sombre, très ancré dans l’ambiance actuelle d’une politique américaine, voire occidentale, qui tombe dans un autoritarisme qui rappelle ce que l’humanité a fait de pire, Absolute Power est très engagé. D’un point de vue narratif, c’est aussi un premier tome très efficace, qui prend le temps de poser son contexte et qui montre immédiatement les effets d’une politique fasciste, rappelant à certains égards ce qui avait été fait dans les comics Injustice. On sent que Mark Waid et ses compères ont un paquet d’idées et en livrent déjà de nombreux éléments, comme la trahison de Green Arrow au tout début du comics qui interroge sur ses véritables intentions, la capacité des justicier·ères à se battre sans aucun pouvoir, ou encore l’impact des discours propagandistes sur une population inerte, capable d’avaler tout ce qu’on lui raconte. Vivement la suite, pour un évènement qui devrait être publié en trois tomes.

  • Les comics DC Infinite sont disponibles en librairie aux éditions Urban Comics.

Ces articles peuvent vous intéresser