Après une pause en septembre, la rentrée d’octobre est assez tranquille pour la collection DC Infinite chez Urban Comics avec un seul et unique comics. Alors que Halloween approche à grands pas, pas d’horreur, mais une crainte fait son apparition : et si le plus grand héros de DC, Chevalier Noir de son état, défenseur de la veuve et de l’orphelin, pilier de Gotham, était trop vieux pour ces conneries ? Une drôle de question que se pose Chip Zdarsky dans le cinquième tome de Batman Dark City, série de la continuité principale Batman.
Cette chronique a été écrite suite à l’envoi d’un exemplaire par l’éditeur.
Batman Dark City – Tome 5, le vivant et la machine
La question de l’âge dans les comics de super héros est un éternel tabou. Si les super font des enfants et les voient grandir, les têtes d’affiches de DC ne prennent guère d’âge, en dehors de quelques histoires occasionnelles en one-shot. Souvent restés entre 30 et 50 ans, ces personnages ne voient jamais arriver l’impact de l’âge : le corps qui perd de sa force, les problèmes de santé, mais aussi la difficulté à suivre et digérer les nouvelles tendances et technologies. Alors ce n’est pas étonnant que Chip Zdarsky, petit malin s’il en est, mette les pieds dans le plat en abordant frontalement dans le cinquième tome de son Batman Dark City avec un Bruce Wayne vieillissant, dépassé par ses propres créations, par ce qu’il a engendré, et qui n’a semble-t-il plus la force de combattre. Toujours empêtré dans les conséquences de ses actions passées, à commencer par la création de sa personnalité alternative Zur-en-Arrh, sorte de « surmoi » désinhibé, sans les limites d’un Bruce Wayne à la morale infaillible, et celle de Failsafe, un androïde imbattable censé s’activer le jour où Batman commettrait un impair. Les choses ont mal tourné depuis longtemps maintenant et notre très cher justicier masqué n’en peut plus de voir Failsafe détruire tout ce qu’il a construit, mais il est empêché dans ses mouvements par un corps qui commence à lui désobéir, qui n’a plus la force d’autrefois, et qui ne peut plus encaisser les coups.
Zdarsky s’en sert pour poser une question simple : et si Batman était trop vieux ? Voir un héros disparaître par choix, parce qu’il a été tué, ou parce qu’il s’est exilé quelques temps, c’est monnaie courante (jusque’à la prochaine réapparition). Mais un héros qui admet qu’il est juste trop vieux, trop cassé, cela arrive beaucoup moins. On sent que l’auteur prend un malin plaisir à imaginer cette possibilité, et le dessinateur Jorge Jimenez rend honneur à son excellent manuscrit avec de très jolis dessins. Aborder la vieillesse de Batman est aussi l’occasion d’une introspection, inévitable pour enfin trouver une solution à la terreur imposée par Failsafe, lui qui a résisté à toutes les attaques de Batman car il le connaît parfaitement ; il est une émanation de sa pensée. C’est une approche finalement assez maline, avec un sous-texte vite évident, entre l’homme imparfait, faillible, qui perd peu à peu la force de sa jeunesse, face à une machine jugée parfaite, inévitable, intouchable. Un idéal s’oppose à un programme qui ne fait guère de sentiment, et dont le manque d’humanité sera inexorablement la chute.
Est-ce que le récit est à l’épreuve des critiques ? Peut-être pas, sa résolution est sûrement moins mémorable qu’espérée, et ses intentions assez vaines car série régulière Batman oblige, notre cher héros va vite retrouver la force de sa jeunesse pour passer au prochain arc narratif. Néanmoins, ce cinquième tome conclut plutôt bien l’histoire autour de Failsafe et s’offre quelques très jolis moments, comme la complicité rarement vue entre Bruce et son fils adoptif Jason Todd, ou un intérêt retrouvé à une « Bat-family » qui s’était un peu dispersée avec le temps. Et puis, rien que pour les dessins de Jorge Jimenez, chaque planche est un plaisir, illustrant avec talent sa propre complicité avec l’auteur dont il semble saisir toutes les intentions.
- Le tome 5 de Batman Dark City est disponible en librairie depuis le 25 octobre 2024.