DC Infinite #11 | L’année de terreur

par Anthony F.

Le mois dernier, les sorties DC Infinite chez Urban Comics s’illustraient notamment pour l’arrivée enfin du premier tome de Dark Crisis on Infinite Earths, la première grande crise suite à l’arrivée de l’ère Infinite. Et si j’attends avec impatience la suite, il y a en ce mois de février quelque chose d’encore plus intéressant : la suite du Batman Detective Infinite de Mariko Tamaki, qui est jusque là l’une des meilleures séries actuelles de DC, et l’arrivée de Chip Zdarsky sur la série principale Batman, renommée pour l’occasion Batman Dark City, qui reprend la main après Joshua Williamson.

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’exemplaires par l’éditeur.

Batman Detective Infinite – Tome 4, tour abandonnée

© 2023 DC Comics / Urban Comics

Suite et fin de l’arc sur la Tour d’Arkham, Mariko Tamaki abat ses dernières cartes dans un arc qui aura poussé son récit à multiplier les situations complexes pour ses personnages. Jouant parfois sur les codes de l’horreur, l’autrice en remet une couche dans un dénouement où la supercherie du Dr Wear est révélée. Pour rappel, cette intrigue tournait autour d’une Tour créée pour remplacée l’Asile d’Arkham qui a été détruit au début de l’ère Infinite (cf. Batman Infinite T1) où un médecin un peu sorti de nulle part prétendait avoir trouvé un remède miracle pour « sauver » les vilain·nes les plus terrifiant·es de Gotham. Au-delà de l’aspect très problématique du rapport de ce médecin aux troubles mentaux, c’était vite révélé comme une grande arnaque fomentée par un homme en quête d’argent public, décidé à convaincre la ville d’y investir des fonds conséquents avant de pouvoir se faire la malle avec l’argent. Mais les choses ont évidemment mal tourné, tout s’enflamme, Huntress et Nightwing se retrouvent piégé·es au sein de la Tour tandis que les pensionnaires les plus dangereux·euses d’Arkham retrouvent toutes leurs facultés pour terroriser celles et ceux qui sont encore présentes. L’ambiance horrifique est contrebalancée par le drame vécu par le maire Nakano, dont la femme est enfermée également à la Tour, alors qu’elle était aussi présente quand tout a déraillé, apportant une touche dramatique, presque tragique où les intérêts personnels priment soudainement et empêchent l’intrigue de tomber dans l’écueil d’une énième et simple histoire où tout part en sucette à Arkham. Plus que jamais, il y a quelque chose d’authentique et de personnel au récit, où les pensionnaires d’Arkham ne sont pas vus que comme de simples criminel·les dont on peut disposer sans mal, la plupart des résident·es étant terrorisé·es par une poignée de vilain·nes auxquel·les ils·elles n’auraient jamais dû être mêlé·es. C’est une conclusion satisfaisante qui convoque la plupart des personnages de la Bat-family, avec quelques très jolies scènes et une vraie réussite sur l’aspect horrifique.

Et puis, comme un baroud d’honneur alors que Mariko Tamaki conclut son run sur Detective Comics, avant de passer la main à Ram V pour la suite, elle enchaîne sur une histoire courte en trois numéros où le Sphinx (le Riddler) réapparaît et se met à poser des questions autour de la notion de criminel. Des questions pertinentes après tous les évènements de la Tour d’Arkham, avec ce que cela implique sur le concept de criminalité et sur la capacité de chacun·e à, du jour au lendemain, commettre des crimes sous la pression d’autres personnes. Si la réflexion ne va pas très loin, elle a le mérite de confronter les héros et héroïnes à des « criminel·les » atypiques, des personnes insoupçonné·es, qui les emmènent loin des éternels combats contre des vilain·nes aux intentions évidentes. Plus léger narrativement que la Tour d’Arkham, ces trois numéros constituent toutefois une bonne conclusion à un run de Mariko Tamaki sur Detective Comics où elle n’a cessé de jouer avec les limites entre innocence et criminalité, sincérité et mensonge. C’est plutôt dommage qu’elle quitte déjà la série, car elle avait en parallèle initié des choses intrigantes avec Huntress, mais difficile de ne pas être curieux avec l’arrivée de Ram V à l’écriture.

Batman Dark City – Tome 1, le danger Batman

© 2023 DC Comics / Urban Comics

Derrière son sous-titre Dark City, on trouve en réalité la suite de la continuité principale de la série Batman (qui aurait donc pu se nommer Batman Infinite T5), alors que Chip Zdarsky en a récupéré l’écriture en compagnie de Jorge Jimenez aux dessins.  Et tout commence évidemment mal pour son Batman : il est accusé du meurtre de Cobblepot, le Pingouin. Ce dernier, en fin de vie, piège effectivement Batman pour qu’il soit trouvé par un témoin sur le lieu de sa mort, comme un dernier « cadeau » à son ennemi de toujours qui devient aux yeux du monde un meurtrier. Et Batman n’a pas beaucoup de temps pour prouver son innocence car il est rapidement pris en chasse par Failsafe, sorte de robot à l’intelligence artificielle redoutable qui a été créée par Batman lui-même pour être capable de le neutraliser au cas où il perdrait la tête et utiliserait ses capacités à mauvais escient. Plus exactement, c’est son subconscient incarné par Batman Zur-en-arrh, une émanation de sa personnalité qu’il s’est forgé pour résister aux tortures mentales, qui a créé Failsafe. C’était sa réponse à l’époque quand, au travers de flashbacks, on voit que Superman découvrait que Bruce Wayne avait des dossiers sur tous les membres de la Justice League avec des explications sur leurs faiblesses et la manière de les neutraliser si nécessaire. Sorte de dossiers paranoïaques où Bruce Wayne, qui n’a jamais eu pleinement confiance dans les personnes dotées de pouvoirs, imaginait des solutions au cas où ces héros et héroïnes se retournaient contre leurs allié·es. En réponse, le subconscient de Bruce Wayne/Batman a imaginé une manière de se neutraliser lui-même. Batman Zur-en-arrh est une émanation très froide de sa personnalité, dépourvue d’émotions et de faiblesses, qui a ainsi créé un robot pratiquement increvable.

C’est donc une opposition intéressante : Batman est confronté au fruit de sa propre ingéniosité, un ennemi potentiellement même plus fort que lui, puisqu’il a son intelligence sans ses limites physiques. Si la structure de l’opposition n’invente rien de très novateur, elle offre tout de même un combat assez épique qui emmène Batman jusque dans l’espace, une longue traque où Batman, la Justice League et la Bat-family y laissent des plumes. Le récit est également entrecoupé de quelques épisodes de Batman Back-upChip Zdarsky imagine la manière dont Bruce Wayne s’est créé cette conscience alternative de « Batman Zur-en-arrh » qui incarne une colère froide, sans compassion. Un cheminement personnel et douloureux où l’auteur s’amuse à jouer avec les intentions et le psyché du héros, éclaircissant largement l’intrigue principale et les difficultés de Batman à trouver des solutions face à son robot. Le tome se termine d’ailleurs sur un cliffhanger monumental qui donne très envie de lire la suite. Et au milieu de tout ça se glissent d’autres Batman Back-up, cette fois-ci centrés sur une Catwoman qui enquête sur la famille du Pingouin/Cobblepot suite à sa mort. Un récit bien mené qui offre un second regard sur les évènements de Dark City.

  • Batman Detective Infinite T4 et Batman Dark City T1 sont disponibles en librairie aux éditions Urban Comics.

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