Chiruran – Tomes 9 et 10 | Guerre fratricide

par Anthony F.

Cela fait maintenant plus d’un an que Chiruran est publié en France aux éditions Mangetsu. De ses débuts tonitruants à quelques passages un peu moins en vue, l’œuvre n’a cependant jamais déçue. Et ce grâce notamment à une narration toujours maîtrisée, même dans les moments moins palpitants, avec une volonté toujours de placer ses pions avant une grande confrontation. Et ça arrive enfin : ces tomes 9 et 10 racontent une dernière grande bataille pour l’arc des dix premiers tomes.

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’exemplaires par l’éditeur.

L’heure du money shot

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Le tome 9 marque l’arrivée d’un nouveau groupe d’ennemis : les sept démons du Mito Tengu-to, alliés de Serizawa, pour aider celui-ci dans ses plans de conquête du Shinsen gumi, à la place du camp de Kondo (celui du héros). Si l’on peut reprocher à Chiruran d’avoir, parfois, amené beaucoup de personnages sans leur accorder trop de temps d’exposition, c’est chose faite cette fois-ci puisque l’auteur Shinya Umemura prend son temps pour raconter d’où viennent ces nouveaux ennemis, pourquoi ils sont là, et de quelle manière ils peuvent bien constituer un obstacle pour la progression du héros. Mais surtout, comme d’habitude avec Chiruran, c’est de vraies gueules de méchants, bien marquants comme il faut, même si l’on aimerait que la galerie de personnages commence à se féminiser. Parce que là, on reste dans la pure testostérone. Heureusement, Chiruran reste toujours efficace chaque fois qu’il évoque ce qui a mené ses personnages, bons ou mauvais, sur cette envoie entre crime et honneur, à l’image des quelques pages réservées à Niimi. Si le personnage était initialement présenté comme sanguinaire et foncièrement mauvais, son histoire se révèle très touchante et surprenante, offrant une dimension nouvelle à un personnage bien plus profond qu’on ne l’imaginait initialement. Et cela contribue au propos de Umemura, qui n’a jamais eu une approche très manichéenne de son histoire, préférant plutôt raconter ses personnages au travers des horreurs provoquées par le contexte politique dans lequel ils évoluent plutôt que de s’interroger sur un quelconque alignement, qu’il soit bon ou mauvais.

Mais ce qui marque fondamentalement dans ces deux tomes, c’est l’approche du dénouement de l’arc de cette longue première partie du manga. Depuis le tome 1 ou presque, tout a mené à une seule confrontation : l’opposition des camps de Isami Kondo, celui auquel appartient le héros Toshizo Hijikata, et le clan de Kamo Serizawa, les frères ennemis. Lancés dans une guerre fratricide qui ne s’assumait pas encore, les deux camps s’opposent enfin frontalement alors que Kondo et Serizawa sont, à la fin du tome 9, sommés de se battre une bonne fois pour toutes afin qu’il n’y ai plus qu’un leader désigné du Shinsen gumi, la milice. De quoi emmener le manga sur ce que l’on attendait tous et toutes depuis le début, mais aussi d’annoncer une suite explosive. L’ouverture du tome 10 avec les prémices d’un duel entre Toshizo Hijikata, héros de l’histoire du Japon, et Kamo Serizawa, son ennemi, est superbe : le trait est fin et juste, et c’est l’occasion aussi d’une réflexion pertinente sur le sens d’une vie par le sabre à une époque où l’on commençait à ne plus vouloir d’eux, samouraïs, au Japon : leur vie ne se résumait elle pas qu’à trouver le bon moment de mourir, avec leurs idées ?

Et la suite, alors ?

C’est d’autant plus passionnant que l’auteur maîtrise plus que jamais sa narration. Et surtout, il montre que Chiruran est capable de bien plus que son premier arc autour de la guerre fratricide entre Kamo Serizawa et Isamo Kondo. On sent une œuvre monumentale qui dépasse tout ce que l’on imaginait jusque là : ces dix premiers tomes n’étaient, en réalité, que le début d’une très grande aventure qu’il nous reste à découvrir ces prochains mois. Mais l’auteur n’est pas le seul à saluer, puisqu’il doit beaucoup à Eiji Hashimoto qui n’a cessé de s’améliorer côté dessins, à tel point qu’il continue d’offrir des planches assez folles, comme l’opposition entre Saito et Niimi. Terrible de beauté, dans une ambiance un peu crade, dans la boue et sous la flotte, incarnant visuellement les parcours foireux de Niimi et Saito et un dénouement inévitable pour leur rivalité circonstancielle.

On a longtemps salué Chiruran pour sa mise en place d’événements futurs qui s’annonçaient exceptionnels, et on y est enfin. Les tomes sortis ces derniers mois visaient tous à une chose, mettre en place la confrontation finale entre les deux clans qui alimentent l’histoire depuis les débuts. Grâce à une mise en scène qui ne cesse de surprendre et une narration toujours plus fine et maîtrisée, Chiruran laisse pour la première fois apercevoir son orientation pour la suite. On craignait que le manga ne puisse pas survivre à la fin de cette guerre qui a constitué l’essentiel de l’intrigue jusque là, mais on comprend enfin que c’est une œuvre majeure qui pourra amener ses protagonistes sur de nouveaux terrains, avec une qualité toujours croissante. Impressionnant.

  • Les tomes 9 et 10 de Chiruran sont disponibles en librairie aux éditions Mangetsu.

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