D’aussi loin que je me souvienne, le genre historique et notamment l’ère Edo dans les mangas ne m’a jamais attiré. J’ai toujours préféré le genre du shonen fantastique, ou les seinen slice of life. Pour autant, force est de constater que les goûts évoluent. J’aime toujours autant les genres que j’ai pu citer précédemment, mais ma profonde appréciation se tourne de plus en plus vers le genre sombre et froid du seinen pur.
C’est d’ailleurs cet aspect froid qui m’a convaincu avec Butterfly Beast, un seinen écrit et dessiné par Yuka Nagate, en deux tomes. La série est éditée en France par Mangetsu, dans la collection seinen.
Critique écrite suite à l’envoi d’un exemplaire par l’éditeur.
La froideur d’un papillon
Toutes les histoires marquent pour des raisons bien précises. Que ce soit notre attachement aux différents personnages, ou encore le fait que le récit nous parle bien plus que d’autres pour certaines raisons qui nous sont propres. Mais ce Butterfly Beast ne rentre dans aucune de ces catégories. Il est très difficile de s’attacher aux différents protagonistes qui nous sont présentés, et je doute sincèrement que nous soyons contraints à devenir des chasseurs de tête. Cependant il y a quelque chose d’enivrant, de profondément attirant avec ce manga. Cela résulte de la froideur avec laquelle l’histoire est contée. Entre ces personnages principaux tueurs, et le manque d’humanité dont ils font preuve, il y a une sorte de curiosité morbide qui s’en dégage. Le tout étant magnifié avec des dessins incroyables, très graphique pour certaines scènes (comprenez que la violence est présente, aussi bien dans ce qui est raconté qu’esthétiquement).
Ochô est la protagoniste de cette intrigue. Elle se présente comme une shinobi, chasseuse de shinobi, s’occupent de ceux « qui ont dévié du droit chemin ». Pour faire simple, les shinobis ont en quelque sorte un code d’honneur, et certains bafouent celui-ci. Les chasseurs sont alors appelés pour s’occuper d’eux. C’est en ayant ces connaissances que commence l’histoire, et je n’irai pas plus loin pour éviter de vous divulgâcher l’ensemble de ce diptyque. Mais alors, pourquoi avoir été autant emballé pour une histoire assez commune sur la violence et la vengeance ? Je me pose encore la question plusieurs heures après la lecture de ce manga et je pense avoir trouvé un semblant de réponse.
Une fascination morbide
Comme je le disais en introduction, certaines histoires nous marquent pour des raisons bien précises. Il s’avère que pour ma part, j’ai une fascination presque dérangeante pour les personnages d’anti-héros, ou personnage gris. Plus encore, je me perds dans une auto-identification envers ceux-ci. Ce qui est d’autant plus dérangeant au vu de ma personnalité très… « Bisounours ».
J’ai pu ressentir cela face à Dexter, de la série du même nom, ou encore récemment avec le personnage d’Eliott de la série Mr. Robot. Sans que je m’en aperçoive, je me laisse complètement piéger, tel un insecte dans une toile d’araignée et je me retrouve hypnotisé par ces personnages complexes. Au point de développer une grande empathie envers eux. Ce fût bien évidemment le cas avec Ochô de Butterfly Beast.
Cette femme au passé trouble, ayant pour seul objectif de réussir le travail qui lui est donné. Mettant ainsi de côté toute émotion, au point de s’oublier elle-même. Cependant, il y a toujours un grain de sable qui vient faire dérailler tout ce rouage que le personnage pensait bien huilé. Ce qui la rend d’autant plus complexe.
C’est tout ce savoir-faire, sur la création d’un personnage, qui me fascine. Comment provoquer au lecteur·rice, une empathie profonde, alors qu’il·elle sait pertinemment que ce qu’il·elle vit au travers de cette histoire est immoral. En plus d’être audacieux, Yuka Nagate nous prouve une grand maîtrise dans l’écriture de son histoire et la création de ses personnages. Aussi complexe que fascinant, aussi froid que touchant, Butterfly Beast se termine sur une fin douce amère, et l’on souhaiterai une suite, tant les enjeux peuvent y être incroyable. Le passé complexe du personnage principale est abordé dans la dernière partie de ce diptyque, nous apportant un certain lot de réponse, sans pour autant aller jusqu’au bout des choses. Il en reste un goût d’inachevé, nous offrant une promesse d’aventure plus grande encore, que ce que l’on a alors abordé.
Après quelques recherches pour écrire cette chronique, j’ai appris qu’une deuxième partie de Butterfly Beast existe. Sobrement appelée Butterfly Beast 2, toujours écrite et dessinée par Nagate et sortie au japon en 2011 (tandis que la première partie elle, est sortie en 2010). Il n’y a plus qu’a espérer que cette suite arrive dans nos contrés, afin de connaître la fin de l’histoire d’Ochô.
- Les tomes 1 et 2 de Butterfly Beast sont disponibles depuis le 1er septembre en librairie.