Ao Ashi – Tomes 5 et 6 | Des rêves déchus

par Anthony F.

Plus fort que son thème principal, le football, Ao Ashi n’a cessé d’étonner au fil des tomes depuis son arrivée sur le marché francophone l’année dernière. Avec des sujets variés mais aussi une approche pragmatique et souvent intelligente du monde de football, le manga qui raconte l’histoire d’un prodige a multiplié les bonnes idées pour s’adresser à la fois aux fans de foot, mais aussi aux autres. Je n’ai d’ailleurs cessé, au fil des critiques sur les différents tomes ici sur Pod’Culture, d’en dire énormément de bien. Alors il va de soi que j’attendais avec impatience les tomes 5 et 6, censés entrer dans une nouvelle phase de la vie de son héros Ashito, avec une grande impatience.

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’exemplaires par son éditeur.

La difficile compétition

Ashito découvre enfin la compétition dans ces tomes 5 et 6, et il est immédiatement confronté à la réalité : son talent inné ne vaut rien face à ses coéquipiers qui, eux, s’entraînent dur depuis des années. Un postulat assez classique dans le monde du football masculin, où l’on oppose souvent les joueurs qui travaillent dur à ceux qui se reposent sur leur talent, toutefois s’en sert essentiellement pour mettre un premier grand obstacle sur la route de son prodige. Lui qui s’en est toujours sorti par son talent se retrouve là face à un premier grand mur, dans le plus pur esprit shōnen, où il doit trouver au fond de lui un moyen de se perfectionner et de passer à la suite. C’est alors que, sans surprise, se révèle à lui une capacité quasiment surnaturelle à apprendre et à maîtriser des gestes, pourtant basiques du foot, mais qui semblent manquer à ses compétences. A la manière d’un héros de fantasy qui découvrirait soudainement qu’il a un grand pouvoir qui sommeil en lui, Ashito comprend enfin ses facultés uniques, et cela donne à ces deux tomes une saveur plutôt intéressant. Si le manga met de côté tout son propos sur le business du football, il le fait aussi pour son bien en alimentant l’histoire de deux grands tomes où l’opposition ne se trouve plus seulement dans le système, mais aussi sur le terrain. Ce double combat livré par Ashito est symbolisé par un match de foot qui sert de tournant.

C’était aussi la première fois que l’auteur Yugo Kobayashi met de côté ses personnages et s’intéresse purement à l’effort et à la « bataille » livrée par son héros. Plus encore que ses thématiques fétiches depuis le premier tome, l’auteur recherche les émotions profondes ressenties par le sportif en plein effort, qui se découvre presque un sixième sens lorsqu’il commence à comprendre le jeu, les intentions de ses partenaires et ce qu’il doit accomplir. Si cela aurait pu être barbant sur la durée, l’écriture est suffisamment fine, et la mise en scène toujours canon, pour accrocher d’un bout à l’autre. Certes, cela fait perdre de sa superbe à un manga qui brille avant tout pour ce qu’il dit du shōnen, du monde du football et des familles qui tentent d’en vivre, mais cela permet aussi de montrer que Ao Ashi est capable d’être un excellent shōnen « d’action », où les matchs de football sont mis en scène avec un suspense et une intensité bien dosées. Et ce sans jamais chercher à étendre ses scènes plus que de raison, contrairement à d’autres mangas de sport qui tombent parfois dans ce piège au nom d’une du dramaturgie du sport un peu facile. C’est d’ailleurs ce qui me donne plutôt envie de découvrir l’anime (qui débutera courant avril sur Crunchyroll), car cette manière de mettre en scène les matchs, si elle est aussi qualitative en anime, pourrait donner quelque chose d’assez exceptionnel.

Didactique et sincère

Il y a quand même une chose à reprocher à ce Ao Ashi, manga si séduisant qu’on en oublie parfois ses mauvais côtés. Je pense notamment à sa volonté d’être didactique, notamment quand il se lance dans des explications un poil longuettes sur des concepts de football (le jeu en triangle dans le tome 6, par exemple). Si cela se fait depuis le premier tome, certaines scènes finissent par être un peu lourdingues, avec un ton qui a tendance à nous prendre la main l’espace d’un instant, en dehors de l’histoire, avant d’y retourner. Si cela ouvre la compréhension de l’œuvre et par extension, du football, aux gens qui n’y connaissent rien, le procédé est amené avec de grands sabots et a parfois aussi tendance à ressembler à un cours magistral complètement décorrélé de l’histoire principale. Ainsi certaines pages se perdent dans de longues explications qui n’ont, souvent, franchement pas un énorme intérêt pour la compréhension de l’intensité d’une action. Heureusement, c’est l’aspect « tranche de vie » du manga qui permet souvent à l’intrigue de retomber sur ses pattes, un aspect certes moins présent sur ces deux tomes, mais qui est esquissé ici et là quand le héros est confronté à des erreurs de sa part qu’il doit vite résoudre.

J’ai un peu le sentiment de me répéter en ce qui concerne Ao Ashi, mais il est difficile de dire autre chose que de le complimenter. Le manga de Yugo Kobayashi montre tome après tome qu’il se tient très bien dans un récit capable d’aborder des thématiques très larges, sans pour autant manquer d’intensité et de finesse quand il arrive, dans ces tomes 5 et 6, à son thème principal : le football. Alors oui, j’ai parfois été peiné par son côté trop didactique qui a tendance à casser l’intensité du moment et à nous sortir de l’intrigue, mais en terminant sur un cliffhanger du plus bel effet, le tome 6 donne sacrément envie de lire la suite.

  • Le tome 5 de Ao Ashi est sorti le 3 novembre 2021, le tome 6 est sorti quant à lui le 5 janvier 2022. Les deux sont disponibles en librairie aux éditions Mangetsu.

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