Les antro sont, dans les pays hispaniques, des sortes de petits bars alternatifs, où l’on sert des bières et cocktails sous les néons, des taudis où se jouent une musique parfois contestataire. Le contexte idéal pour le bien nommé Antro, un jeu vidéo indépendant créé par le très récent Gatera Studio, fondé en 2022 à Barcelone. Fans de musique, les membres fondateurs ont décidé de créer le studio avec l’idée de mêler la musique à un jeu de plateforme. C’est comme ça que Antro est né, sorti sur PC, Xbox Series X|S et PS5 le 27 juin.
Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’une clé PS5 par l’éditeur.
La musique comme moteur
Antro démarre sur les chapeaux de roue. On y incarne un homme chargé de livrer un colis au contenu inconnu, à un destinataire également inconnu. Une mission qui pourrait sembler anecdotique dans notre monde ; mais dans celui du jeu où l’humanité, après une catastrophe, a été forcée de vivre sous terre et sous un régime totalitaire qui contrôle tous les aspects de leur vie, l’idée de se balader comme ça librement avec un colis non identifié relève d’une mission suicide. C’est sous la vieille ville de Barcelone que le jeune nous emmène, dans une ambiance assez sale, où les petits bars fleurissent le long des rues, où les kebab vendent de la viande de rat et où la bière artisanale n’est pas très recommandable. Si les habitants sont tous soumis à un régime de travail forcé, notre héros lui tente de s’en extirper, et sa mystérieuse mission se transforme vite en menace pour le gouvernement. Tant dans ses thématiques que sa mise en scène, on voit rapidement du Inside dans ses influences. Si Antro a son univers bien à lui avec sa représentation d’une ville de Barcelone sous terre, très marquée culturellement par la culture catalane, on ne peut s’empêcher d’y voir les influences d’un Inside avec son contrôle des masses, une humanité agissant comme des fourmis, mais aussi une progression en 2.5D avec un mélange de (petites) énigmes et de plateforme. L’autre influence, c’est celle de Sayonara Wild Hearts, dès que le jeu nous propose son premier niveau musical, le premier d’une longue série, où le personnage doit courir sans cesse vers l’avant en évitant les obstacles au rythme de la musique. On va être honnête, le jeu de Gatera Studio n’a pas tout à fait la maestria de celui dont il s’inspire, mais ces niveaux musicaux représentent quelques uns des meilleurs moments du jeu. Pas seulement grâce à cette séquence de fuite qui oblige à se calquer sur le rythme de la musique pour éviter les obstacles, symbolisant une course poursuite avec la police, mais aussi pour sa bande originale d’excellente facture, mélangeant hip hop, R&B ou encore electro, avec des paroles (en espagnol mais sous-titré) qui apportent de véritables éléments de lore sur le jeu.
Ses idées sont multiples et on sent une véritable générosité dans le jeu, qui se termine assez vite (deux à trois heures tout au plus) mais qui maintient une certaine intensité du début à la fin. Il n’est toutefois pas exempt de tout reproche, à commencer par ses énigmes assez peu intéressantes, reposant pour l’essentiel sur la recherche de collectibles plus ou moins cachés ou d’aller-retour rapides dans un même niveau, notamment dans la deuxième moitié du jeu. Pareil pour l’histoire, pas inintéressante, mais extrêmement classique, peu surprenante malgré un bon moment à la fin. On y retrouve tous les poncifs de la dystopie totalitariste, avec sa liberté d’expression mutilée, ses masses éduquées aux bonnes paroles du leader suprême, et sa ville où le soleil n’arrive jamais, sale et poisseuse. Si le jeu a pour lui son ambiance hispanique, on évolue malgré tout en terrain connu, et cela peut vite remettre en cause l’intérêt pour le jeu, notamment dans son dernier tiers où l’on enchaîne les niveaux assez impersonnels. Heureusement les collectibles qui offrent des éléments de lore et les dialogues apportent quelques éléments intéressants, notamment dans les relations entre les personnages et leur place dans ce monde-là. Peu d’éléments néanmoins sur les motivations d’un héros qui semble plutôt victime de sa propre aventure.
Un gameplay flottant
Mais le plus gros problème, pour peu que ça en soit un, c’est le gameplay très « flottant » du jeu. Comme beaucoup de jeux 3D d’une autre époque, les animations sont assez rigides, avec un personnage lors de ses sauts qui n’a aucun impact, tant au décollage qu’à l’atterrissage, comme s’il « volait » au-dessus des obstacles et des précipices. Difficile de dire si c’est une animation voulue ou mal maîtrisée, mais le feeling devient de fait assez peu agréable manette en main, avec l’impression que les mouvements du héros ne sont pas à la hauteur du reste du jeu. Cela donne un sentiment de lenteur, en complète opposition avec l’urgence de la situation où l’on est constamment poursuivi par les autorités. C’est d’autant plus visible sur les phases de plateformes les plus complexes (sans que cela soit bien difficile) dans les deux ou trois derniers niveaux, où le comportement du personnage manque de finesse et de précision. Dommage, car avec un personnage peut-être un peu plus lourd, avec un peu plus de force, le jeu aurait gagné en plaisir procuré, notamment sur les phases musicales. Là, on évite les obstacles en rythme, mais sans vraiment être « récompensés » par des effets ou un véritable impact à l’écran.
Pour autant, Antro reste une aventure tout à fait correcte. Pour un premier jeu, c’est un titre qui a de bonnes idées sur ses niveaux musicaux et qui bénéficie en plus d’une super bande originale. Si on aurait aimé un peu plus de soin sur les animations et le « feeling » qu’inspirent les mouvements et les sauts du héros, il n’en reste pas moins que l’aventure, très courte, se fait avec plaisir. Rien que pour son contexte atypique, celui des bas-fonds de Barcelone, il mérite le coup d’œil. On salue les intentions du studio qui livre un jeu plein de cœur, et on espère qu’ils feront encore un peu mieux pour leur prochain titre.
- Antro est sorti le 27 juin 2025 sur PC, PlayStation 5 et Xbox Series X|S.