NEO : The World Ends With You | Escape game géant à Shibuya

by Reblys

En l’an de grâce 2008 débarquait sur nos DS occidentales The World Ends With You. Un ovni, même dans le monde des J-RPG, à l’identité affirmée et à l’ambiance alambiquée. Un jeu du genre qu’on évoque des années après parmi des expériences à part, et dont l’originalité a généré un certain succès d’estime chez les amateurs et amatrices de jeux de niche.

C’est dire si ce fut à la surprise générale qu’un remake de ce jeu culte est sorti sur Switch le 12 octobre 2018. Un retour de la licence qui s’est confirmé avec l’annonce de ce deuxième épisode en bonne et due forme, sobrement intitulé « NEO ». Après plusieurs dizaines d’heures à évoluer dans l’UG (je vous explique ce que c’est très vite, promis), il ressort que cette nouvelle entrée réussit dans beaucoup de domaines, à commencer, sans surprise, par son ambiance si particulière.

Cet avis a été écrit à partir d’une version Playstation 4 du jeu, fournie par l’éditeur. Les screenshots illustrant cet article présentent des textes en anglais, mais l’intégralité du jeu est traduite en français.

Un concentré de vie dans un jeu de la mort

© 2021 SQUARE ENIX CO., LTD. All Rights Reserved.

Alors qu’il était en train de jouer à FanGo (une version Final Fantasy de PokémonGo) dans les quartiers de Shibuya, Rindo se retrouve catapulté dans un jeu de piste dirigé par les mystérieux Reapers. Désormais doté de pouvoirs psychiques, catalysés via des badges habituellement vendus dans les boutiques de vêtements, et accompagné de Fret, son pote de toujours, il doit arpenter les rues de son quartier et résoudre les énigmes qui lui seront présentées avant les autres équipes. Tout ceci lui faisant courir le risque d’être tout simplement effacé de l’Underground (ou UG), un plan de l’existence parallèle au RG, ou Realground, qui constitue notre monde réel. Les raisons qui expliqueraient la présence de Rindo et Fret dans le jeu sont bien obscures. Certains des Reapers leur disent qu’ils sont morts, et que ce jeu leur offre la possibilité de ressusciter. D’autres mettent en doute cet état de fait, sans pour autant en savoir plus sur les implications du jeu. Autant de mystères qu’il faudra tenter d’élucider, alors qu’une course contre la montre est engagée pour détrôner l’équipe reine du jeu, les Ruinbringers…

Une fois ce contexte posé, on nous lance à l’assaut de ce Shibuya parallèle et grouillant de vie, et l’on découvre par la même occasion une aire de jeu riche et minutieusement construite. Le quartier de Shibuya est divisé en une quinzaine de rues et places, dans lesquelles sont réparties évènements, boutiques et bien entendu, ennemis. Tantôt ce sont les échos, des créatures entre l’animal et le spectral qui flottent dans tout l’underground, tantôt ce seront les membres des autres équipes en place auxquels il faudra se frotter. Mais immédiatement, c’est la direction artistique du jeu qui vient s’imposer à nos yeux et nos oreilles. Ce monde parallèle si coloré, habillé d’un cel-shading tout à fait maîtrisé et d’une bande-son qui mélange rock, électro et hip-hop a un charme fou, et c’est en toute logique que, comme son prédécesseur, Neo : The World Ends With You abat sur la longueur sa carte maîtresse. Cette identité à la fois si japonaise et si branchée, avec ses boutiques de fringues à tous les coins de rue, et ses héros du quotidien qui luttent pour leur survie avec des pouvoirs psychiques m’avait manqué. Et c’est avec un plaisir non-dissimulé que je l’ai retrouvée. D’autant qu’on se plaît à explorer chacune de ces rues, à les traverser encore et encore pour en saisir le moindre recoin. On se fait rapidement notre petit classement des quartiers les plus hypes, entre la ruelle montante de Spain Hill, les immeubles complètement courbés de Tipsy Tose Hall qui donnent le vertige, où l’immense tour du 104, référence appuyée au Shibuya 109, véritable centre commercial tokyoïte. D’autant qu’on y retrouve une foule de vendeurs et de vendeuses de nourriture ou de vêtements, dont le character design force le respect à chaque fois. Ces PNJ qui ne disposent que de quelques lignes de dialogue permettent d’introduire autant de marques et de philosophies de vie à travers un simple écran fixe. Mention spéciale aux changements d’attitude de tous ces personnages à mesure que l’on devient des habitué·es de leur échoppe, le genre de détail qui fait toute la différence dans un jeu en petit monde fermé, où le risque de répétitivité est bien présent.

Un risque que le jeu s’efforce autant que possible de dissiper, en proposant de nombreuses mini-variations de gameplay lors des phases d’exploration. Outre la capacité de lire les pensées des habitants et habitantes du RG, qui permet de débloquer pas mal de situations, nos héros peuvent se servir de plusieurs pouvoirs pour influencer leur environnement. Le rappel permet d’aller raviver des souvenirs dans la mémoire d’autrui afin d’obtenir des informations, la plongée permet d’entrer dans la psyché des résidents et résidentes de Shibuya, pour les aider à surmonter leurs émotions négatives. Enfin le pouvoir majeur de Rindo, le voyage dans le temps, va permettre de changer la donne dans bien des situations désespérées, en plus de donner une dimension supplémentaire au jeu des Reapers, en nous donnant une position de wild card capable de brouiller les pistes et de remettre en cause l’ordre établi.

Hyper efficace et pléthorique

© 2021 SQUARE ENIX CO., LTD. All Rights Reserved.

La répétitivité aurait pu également poindre lors des combats, mais elle est balayée par un système complètement refondu (impossible de retrouver celui du premier épisode qui reposait à la fois sur le tactile et le double écran de la DS), et dont l’accessibilité et le dynamisme n’ont rien à envier à sa profondeur. Des centaines de badges différents sont à notre disposition pour se constituer les combinaisons les plus efficaces, ou les plus adaptées à notre style de jeu. Des attaques rapides, chargées, ascendantes, de zone, de soutien, de soin, qui emportent avec elles les ennemis ou qui les immobilisent, le tout soit en martelant une touche, en la laissant enfoncée, en la chargeant jusqu’à atteindre la puissance souhaitée. Sur une aire de jeu où l’on se déplace librement parmi plusieurs groupes d’ennemis, gérer à la fois son positionnement et le timing de l’utilisation de ses badges demande pas mal de réflexion et de doigté, afin de réaliser de bons combos, et surtout ne pas se retrouver à sec dans un moment délicat. A cela s’ajoute une foule d’affinités élémentaires avec lesquels il faudra jongler si vous souhaitez vous faciliter la vie : feu, eau, glace, électricité vent, terre, poison, mais aussi kinésie, explosion, son ou temps viendront sans cesse vous pousser à reconsidérer vos options, en fonction de la puissance des badges, de leur niveau (car chaque combat amène des points venant faire progresser les badges et augmenter leur force) et de leurs synergies.

Car si le jeu reste très accessible en mode normal, certains combats n’hésiteront pas à vous faire payer un choix de badges approximatif. En mode difficile, il est souvent même particulièrement important d’aller faire un tour dans l’echopedia interne du jeu pour vérifier les faiblesses des ennemis et s’assurer un peu d’air en les exploitant correctement. Cette constante variété n’a cessé de venir dynamiser mon expérience de jeu alors que je n’ai débloqué au final que les deux tiers des badges. Un des rares défauts que j’ai pu ressentir dans le jeu vient toutefois de pics de difficultés particulièrement violents (en tout cas en mode difficile, dans lequel j’ai fait le jeu) au milieu de séquences dans lesquelles on est tout à fait en contrôle. Un équilibrage assez étrange, car contrebalancé par des moments où l’on roule sur tout ce qui passe, particulièrement lors de l’arrivée d’un nouveau personnage dans l’équipe, qui amène d’autant plus de possibilités d’action et de combinaisons. Heureusement le système hyper flexible de variation de la difficulté et du niveau de l’équipe permet de se créer à la volée une expérience sur mesure, si d’un combat à l’autre, on souhaite plutôt gagner du temps, ou se lancer des défis.

© 2021 SQUARE ENIX CO., LTD. All Rights Reserved.

Vient ensuite la trame narrative du jeu, sur laquelle je ne dirai pas grand chose afin de ne pas gâcher le plaisir de la découverte. Celle-ci, à nouveau comme celle de son prédécesseur, est riche est complexe, sans réellement le montrer. Mais il faut être honnête, ce second volet aide beaucoup plus les joueurs et joueuses à cadrer les enjeux et le lore de la saga. Car oui, NEO : TWEWY est bien la suite de TWEWY premier du nom, et ce par bien des aspects. On comprend ainsi mieux pourquoi un remake du premier épisode est sorti avant qu’un nouveau ne soit annoncé, et j’ai trouvé que la manière dont se développe l’histoire amènerait sans problème à des épisodes supplémentaires, qui  permettraient d’approfondir encore l’univers de ces jeux. Le second et dernier reproche que je ferais au titre viendrait cependant du rythme de son scénario. Après son premier tiers, alors que les séquences se rallongent, on sent poindre un ventre mou où l’ennui s’installe sans pression à nos côtés. La faute à pas mal de moments de remplissage qui font tourner en bourrique, alors qu’ils n’amènent pour ainsi dire rien à l’histoire ou aux personnages. Personnages dont j’avais peur à ce moment là qu’il ne soient même pas développés tant ils semblaient jusque là prisonniers de leurs archétypes. Heureusement passés ces quelques chapitres franchement dispensables, tout rentre dans l’ordre. Les cartouches minutieusement économisées par les scénaristes sont bel et bien tirées, les personnages bénéficient de séquences bien senties qui vont les faire évoluer, et tout l’intérêt que l’on a porté au jeu à ses débuts est récompensé par des moments franchement mémorables, qui viennent parachever une aventure dont la durée de vie n’a pas à rougir. Aux dizaines d’heures nécessaires pour boucler le scénario principal viendront s’en ajouter bien d’autres pour obtenir tous les objets et capacités du jeu, à la fois via les collections de livres, de vêtements, de CD audio, de badges et de plats. Sans compter le sociogramme du jeu, dont l’activation progressive nécessite de réussir en un minimum de temps moult challenges disséminés au fil du jeu sous la forme de petites missions annexes. De quoi donner beaucoup de pain sur la planche à qui voudrait faire tomber le 100% du jeu.

The end has no end

Ainsi alors que les crédits du jeu défilent, je me rends compte à quel point ça m’a fait plaisir de retrouver The World Ends With You. De constater à quel point la série a toujours autant de potentiel, et que cette fois, elle semble prête à prendre son envol et de sortir de son statut de jeu un peu confidentiel pour venir secouer le genre du J-RPG. Un flow indéniable, un rythme efficacement dosé, malgré quelques longueurs, et un système de jeu frénétiquement addictif font du jeu un vrai bon moment à vivre pour celles et ceux qui aiment déjà la licence, qui ont envie de renouveler leur expérience avec les J-RPG, ou qui recherchent simplement quelque chose de différent. Car même les néophytes peuvent se laisser tenter grâce à la difficulté très adaptable du jeu. Même si je recommanderais plutôt d’avoir d’abord joué au TWEWY original, on peut sans problème prendre le train en marche avec ce deuxième épisode, qui donnera à coup sur envie de se (re)plonger dans le premier, tant les échos y sont nombreux. Étant absolument fan de sa direction artistique, j’ai peut-être été aveuglé, et n’ai pas vu certains de ses défauts. Il n’empêche que malgré quelques moments un peu en dessous, j’ai pris mon pied, et ça fait un moment que ça ne m’était plus arrivé dans ces proportions.

  • NEO : The World Ends With You est disponible sur PS4 et Switch depuis le 27 juillet 2021. Il est également prévu sur PC d’ici la fin de l’année 2021

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