Alors que Tatsuki Fujimoto s’est fait connaître avec Fire Punch en 2016 et plus récemment sa série à succès Chainsaw Man en 2018, dont vous pouvez trouver les différentes critiques sur Pod’Culture, il revient avec une histoire courte qui sort complètement des univers loufoques qu’il a pu créer précédemment. D’un réalisme fou, d’une beauté et d’une profondeur sans pareil dans l’ensemble de ses œuvres, Fujimoto nous conte l’histoire de deux jeunes mangakas a en devenir à travers son nouveau récit : Look Back.
Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’un exemplaire par son éditeur.
Un slice of life réaliste
Comme je le disais dans l’introduction, l’histoire de Look Back s’implante dans une réalité qui pourrait être la nôtre. L’histoire de ces deux jeunes filles qui dessinent des planches de manga pour le journal de leur école. Deux protagonistes que tout oppose, l’une, Fujino, étant populaire au sein de sa classe et l’autre, Kyômoto, vivant recluse chez elle, à cause d’une anxiété sociale qui l’empêche de venir en cours. Il y a également cette rivalité que ressent Fujino, car force est de constater que Kyômoto dessine bien mieux qu’elle, au point de recevoir une remarque d’un jeune garçon, qui poussera l’élève populaire à se couper du monde, pour dessiner jour et nuit afin de s’améliorer, quitte à en perdre sa popularité.
Le destin va pousser les deux dessinatrices à se rencontrer, échanger et finalement travailler ensemble sur plusieurs projets d’histoires courtes. Je n’en dirai pas plus pour l’histoire en elle-même, le tome étant déjà très court, il serait dommage d’en divulgâcher d’avantage, sachez simplement que l’histoire est très loin d’être clichée et vous touchera sans aucun doute comme elle a pu me toucher. Car c’est avant tout une histoire de relations humaines, forte et impactante établie sur plusieurs années, que nous propose Fujimoto à travers ce récit. Il suffit d’un rien pour qu’une personne rentre dans notre vie et la change à tout jamais, que ce soit personnellement ou professionnellement. L’auteur a réussi à mettre en avant une relation basée sur plusieurs années de vie des ces deux jeunes femmes, les poussant l’une et l’autre à se surpasser et ça en à peine quelques pages. Il y a une telle émotion et une complicité si forte qui se dégage de cette histoire, que je me suis retrouvé vraiment peiné d’arriver à la fin de ce manga.
Une émotion doublée d’introspection
Au-delà de l’écriture sur la relation entre Fujino et Kyômoto, il y a un léger message sur le monde de l’édition et de la compétition entre les auteurs qui est intéressant. Je pense que si Fujimoto avait voulu faire une histoire longue, il aurait sans doute beaucoup plus développer ce point-là, mais ce n’est pas le centre de son histoire. Ceci étant dit, et pour rester sur le fait que ce soit une histoire courte, lorsque j’ai lu ici et là, qu’il a écrit Look Back pour se « reposer » entre les deux parties de Chainsaw Man, j’en viens à penser qu’il est peut-être fatigué des univers complètement loufoques qu’il écrit. De ce fait la proposition qu’il nous offre ici avec ce nouveau manga, est peut-être une nouvelle ère du mangaka, plus posée et plus dans l’émotion qu’il souhaite partager.
Ce n’est pas la première fois que je vous parle de mon amour pour les arts et plus spécifiquement de la représentation de celle-ci dans les œuvres de fiction. Plusieurs mangas se sont essayés à parler de la condition de mangaka au Japon, avec brio pour certains, et avec beaucoup plus de difficulté pour d’autres. Mais Look Back fait partie de ceux qui ont clairement réussi, même si ce n’est pas le propos principal de cette histoire et si ce n’est présent qu’en tâche de fond. Une chose est cependant sûre, lire un récit de Fujimoto à la croisée d’un slice of life, seinen, rempli d’émotion, avec une très légère pointe de fantastique, ça ne peut qu’annoncer de l’excellent à venir.
Donc oui, je ne peux que vous conseiller de vous jeter sur Look Back. C’est extrêmement différent de ce qu’a pu proposer le bonhomme auparavant, cela pourra en laisser certains de côté, notamment ceux qui s’attendent à une plongée dans la folie et dans ce qu’il y a de plus sombre de l’être humain, mais faites-lui confiance, et laissez-vous porter par cette belle petite histoire, touchante et malgré tout extrêmement bienveillante. Aussi bien pour son lectorat que pour la vision à la limite de l’introspection sur le monde de l’édition du manga au Japon.
- Look Back est édité par Kazé France et est disponible en librairies.