Alors que d’un côté du monde vidéoludique, on a tendance à se désoler de la standardisation de certaines productions, qui en viennent à devenir interchangeables tant elles se ressemblent, on découvre régulièrement de l’autre des jeux qui, redoublant de créativité, continuent de venir nous prendre par surprise.
Sans vouloir faire beaucoup de suspense, il se trouve qu’Inscryption, sorti le 19 octobre 2021 sur PC, fait partie de ces jeux. Et mieux encore, il fait partie de ces jeux dont l’audace reste marquante bien après en avoir fini avec lui.
Cet article va être un peu spécial, car pour apprécier pleinement Inscryption et ce qu’il renferme, il est je pense absolument nécessaire d’aborder le jeu avec le moins de connaissances possibles sur ce qui va s’y dérouler. Je vais donc d’abord me concentrer sur la mécanique principale du jeu, avant de dérouler, dans une longue partie sous spoiler, tout ce celui-ci offre de renversant.
C’est l’heure du duel !
Le jeu débute alors qu’enfermé·e dans une obscure cabane en bois, vous êtes forcé·e de prendre part à une partie de jeu de rôle, dans lequel un mystérieux jeu de cartes vous servira de moyen de progresser. Dès ses premières minutes, Inscryption donne le ton avec une ambiance mystérieuse et oppressante, portée par une direction artistique obscure qui emprunte pas mal aux classiques de l’épouvante. Apprendre à jouer aux cartes sera votre premier objectif, et cela se fait de manière remarquablement fluide. Grâce à un tutoriel habilement déguisé par une narration efficace et un game design clair, dont on entrevoit les possibilités au fur et à mesure que la partie progresse.
Ainsi la mécanique centrale de gameplay d’Inscryption s’articule autour de ce jeu, où pour invoquer des créatures puissantes, il faut en sacrifier de plus faibles (ce qui n’est pas sans rappeler les règles classiques du jeu de cartes Yu-gi-oh!), et où toute la stratégie repose sur le fait de creuser un écart de cinq points en premier. Obtenir cinq points de plus que l’adversaire (en lui infligeant des dégâts) est en soi une condition de victoire assez originale pour donner un twist intéressant aux parties. Qu’importe si vous prenez « du retard » sur votre opposant. Tant que vous maintenez l’écart à quatre points au maximum, vous pourrez revenir dans la partie grâce à une carte piochée au bon moment où à une stratégie planifiée sur deux ou trois tours. Matérialisé par une balance, l’équilibre de la partie peut basculer d’un instant à l’autre, y compris si l’âme des cartes vous fait défaut, grâce aux divers objets que vous pourrez utiliser en tant que jokers, où à la chance supplémentaire que le jeu vous octroie après votre première défaite.
Une fois que l’art du duel est assimilé, il faut s’intéresser à tout ce qu’il y a autour de ces parties endiablées. La progression dans cette aventure aux fortes inspirations de jeu de rôle papier va se faire selon un schéma assez classique de rogue-like : Plusieurs zones se succèdent, dans lesquels vous pouvez choisir votre chemin ainsi que les différents événements, rencontres ou améliorations qui parsèmeront votre route. Interviennent ainsi de nombreuses capacités passives que l’on pourra faire passer d’une carte à l’autre et tout un tas de subtilités qui vous permettront de renforcer votre deck. Car sous ses airs de joueur patenté, le résident de la cabane n’a pas vraiment l’intention de suivre les règles qu’il vous impose, en particulier lorsqu’il va sans pression jouer gratuitement des cartes qui vous auraient coûté deux voire trois sacrifices. Heureusement vous aurez également la possibilité de vous créer des combinaisons totalement abusées, notamment lorsque vous perdrez une run. En effet avant de passer à la partie suivante, le joueur ou la joueuse que vous incarniez sera transformé.e en carte, dont les attributs seront choisis aléatoirement parmi ceux de votre deck. L’occasion de s’ouvrir de plus en plus de chances de victoire en cas de défaite.
Revenez, Milord, vous assoir à ma table
Mais au delà de la mécanique de rogue-like de cartes qu’il vous présente, Inscryption affirme également de manière assez claire qu’il n’a pas l’intention de s’en tenir là. Très vite vous obtiendrez la possibilité de vous lever de votre chaise, et d’explorer ainsi la cabane qui vous tient lieu de prison. Durant ces phases, le jeu prend une tournure d’escape game assez surprenante, et incite à prêter attention à chaque détail, à tout essayer pour résoudre les petits puzzles qui vous entourent. Ces tâches semblent a première vue facultatives, mais de leur accomplissement dépendent beaucoup de choses, telles que l’obtention d’objets supplémentaires qui vous aideront à progresser, ou de cartes très particulières, qui vont se mettre…à vous parler.
L’alternance entre ces séquences donne une dynamique intéressante à l’ensemble, et contribue à renforcer sans cesse l’aura de mystère qui entoure l’endroit et ce que nous y faisons. Les étrangetés s’accumulent, alors qu’absorbés par la mécanique (addictive par nature) des runs qui s’enchaînent, on se donne pour aller toujours plus loin dans ce jeu de la mort, dont on espère qu’il finira par nous révéler ses secrets.
Et je m’en tiendrai là pour la partie visible de l’iceberg. Vous pouvez désormais soit passer directement à la conclusion (et aller jouer au jeu dans la foulée, vraiment ce serait formidable), soit vous aventurer dans la partie spoil, en tant que personne ayant déjà terminé le jeu, ou qui n’aurait aucunement l’intention de consacrer dix heures de sa vie à découvrir Inscryption. Car dans cette vaste section je vais tout décortiquer, en allant jusqu’à la fin du jeu.
Si le jeu a fait grand bruit a sa sortie et a également rencontré un très bon accueil critique cela n’est pas du au hasard. Inscryption va très loin, même pour un jeu indépendant, pour notre plus grand plaisir. En tant que jeu, il réussit à peu près tout, mettant l’accent sur un rythme très fluide et des mécaniques efficaces, dimensionnant sa durée de vie juste comme il faut pour le voyage qu’il propose. En tant qu’expérience, il s’agit d’une œuvre marquante, impressionnante de profondeur et d’intrication, particulièrement réjouissante de par l’audace et la liberté dont elle fait preuve. Un truc à vivre, plutôt qu’à regarder, et dont on est ravi·e de se dire qu’on s’y est engouffré·e sans trop savoir où on mettait les pieds…
- Inscryption est disponible sur PC (Steam, GoG, et EPIC Games Store)