La fin d’une histoire est sans doute ce qu’il y a de plus compliquée à écrire et ce pour plusieurs raisons. L’auteur·trice peut se perdre dans son propre récit, au point de ne plus vraiment savoir comment la terminer, ou tout au contraire savoir exactement où il·elle va, mais n’est pas à l’image que le·la lecteur·trice s’imaginait. Qu’est-ce qui est alors réellement difficile ? Écrire la fin d’une histoire, ou la recevoir ? Et comment juger la première œuvre complète d’un·e auteur·trice lorsque cette personne a un univers complètement fou tel que celui de Tatsuki Fujimoto. La fin de Fire Punch m’a laissé complètement perplexe, je n’arrive pas vraiment encore à situer si j’ai aimé ou non l’ensemble de cette série, une chose est sûre, c’est qu’elle ne m’a pas laissé indifférent.
Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’un exemplaire par son éditeur.
Les balbutiements d’un auteur
C’était vraiment intéressant de découvrir les œuvres de Fujimoto de cette façon. En commençant par Chainsaw Man, le tout entrecoupé de Look Back pour finalement arriver au dénouement de Fire Punch, qui est sa première œuvre « longue ». On sent très rapidement que le mangaka a gagné en maturité, aussi bien dans ses histoires que dans sa façon de les raconter. Après avoir lu l’ensemble de Fire Punch, j’arrive plus facilement à cibler ce qui m’a dérangé tout le long de cette série, non pas que l’histoire n’est pas intéressante, mais c’est surtout la froideur avec laquelle il l’a écrit et également les divers soucis de mise en scène. Très peu d’émotions se ressentent à travers les pages de ce récit, il y a certes quelques moments de grâce, mais dans l’ensemble, c’est froid, chirurgical, je n’ai pas ressenti d’impact émotionnel, peu importe ce qu’il se passait. Je pense que c’est notamment dû au héros. Fujimoto aime les personnages ambigus, ou ce que l’on peut appeler des personnages « gris ». Seulement, le fait que Fire Punch soit sa première œuvre se ressent terriblement à travers les personnages en question (là ou c’est bien mieux maîtrisé dans Chainsaw Man et Look Back). Leurs motivations sont moins claires, plus confus, par moment même, ils vont au-delà de leurs buts initiaux pour répondre simplement à une facilité scénaristique. Des changements de camps au dernier moment, un sacrifice qui n’a pas de sens, ce genre de problème récurant tout le long du récit.
Agni, le protagoniste, va au cours de son périple, et notamment lors de ces trois derniers tomes, payer pour tout ce qu’il a fait subir. Que ce soit à cause de dommages collatéraux, ou pour les actes de barbaries qu’il a sciemment commis. Et c’est seulement une fois que celui-ci se retrouve enfin en paix, qu’il se retrouve confronté à son plus grand ennemi : lui-même. Non pas qu’il soit à l’origine de ce qu’il a vécu, mais il est devenu, par la force des choses, pire que la personne qu’il s’était juré de tuer. Même la fin du récit, et donc ce qui est censé être l’accomplissement ou la rédemption du protagoniste, est assez étrange, cela devient même le reflet de ce personnage principal, perdu dans un vide complet.
Mais alors si la fin de Fire Punch est si particulière, si dérangeante, pourquoi a-t-elle autant fait parler d’elle à sa sortie ? Pourquoi Fire Punch est devenu aussi populaire, et à titre personnel, pourquoi cette série ne me laisse pas indifférent ?
L’évolution d’un genre
Je pense que la raison principale du succès de Fire Punch et notamment de son auteur, c’est la façon dont il maîtrise le média qu’est le manga. Il y a certes quelques problèmes de compréhension dans son histoire, mais là je parle véritablement du média en lui-même. On ressent que Fujimoto connaît les différents genres prépondérants du manga, ce qu’il réussit à faire avec ses œuvres, c’est d’utiliser tous les codes préétablis, les maitriser complètement pour les détourner, au point de permettre aux shonen/seinen d’évoluer. De proposer quelque chose de nouveau, d’atypique et ce malgré quelques faiblesses au cœur du scénario. On ressent la sincérité avec laquelle il écrit ses histoires, cette envie de créer quelque chose de nouveau que lui-même aurait voulu lire. Fujimoto est, à n’en pas douter, une personne passionnée et passionnante à découvrir à travers ses différents récits. Il a des messages qui lui sont propres, et même si cela peut ne pas plaire à tous, notamment avec l’écriture de cette fin pour le moins « lunaire », il est clair que nous n’avons pas fini d’entendre parler de lui. C’est un auteur à part entière, avec beaucoup de talent et qui en plus, gagne en maturité avec les nouvelles histoires qu’il écrit.
Découvrez les œuvres de Fujimoto. Fire Punch peut paraître assez obscur, voir compliqué à recevoir, mais il est une pierre fondatrice à ce que proposera le mangaka par la suite.
- Les tome 1 à 8 de Fire Punch, sont édités par Kazé France et sont disponibles en librairies.