Publié en VF au cours de l’année 2020, Doppelgänger est un manga écrit par l’autrice Tamaki Vanessa Chihiro, un thriller où un homme condamné à mort à tort revient dans le passé pour trouver le véritable meurtrier. Une quête de vérité qu’il mène avec son double, sa personne du passé, dans un thriller intense qui revient en cette fin d’année dans une intégrale aux éditions Kazé Manga. Une bonne occasion pour s’y replonger et pour dire pourquoi ce manga m’a attiré.
Cette critique a été écrite suite à l’envoi de l’intégrale par son éditeur.
Un thriller prenant
Condamné à mort et exécuté après avoir passé onze longues années dans le couloir de la mort, Kenzaki Makoto était autrefois un sculpteur adulé. Un artiste qui a connu des hauts et des bas, qui a fini par atteindre la reconnaissance tant espérée et qui a vu sa vie être fauchée par une accusation de meurtre contre laquelle il a toujours clamé son innocence. Pourtant, c’est bien lui qui finit exécuté pour le quadruple meurtre de ses anciens camarades d’université. Mais soudain, alors qu’il vient d’être pendu, il se réveille onze ans en arrière, quelques jours avant le premier meurtre, et réalise vite qu’il s’agit d’une deuxième chance qui lui est offerte pour trouver le véritable coupable. Le meurtrier, celui qui a tout fait pour que Kenzaki Makoto soit accusé à sa place, n’a en effet jamais été inquiété par la police. Pour le débusquer, notre héros va faire équipe avec lui-même, le Makoto du passé. Très vite, on se doute que Doppelgänger raconte une histoire très personnelle : si le sculpteur a été accusé à tort, c’est parce qu’une personne lui en voulait suffisamment pour semer des preuves un peu partout afin de l’accabler. C’est ainsi que le duo formé par Makoto et son double se lancent dans une enquête que la mangaka Tamaki Vanessa Chihiro raconte avec beaucoup de finesse : si le manga s’avère parfois (très) violent, l’essentiel de l’intrigue tourne autour d’une enquête aux implications intéressantes, avec beaucoup de suspense et une intensité terriblement appréciable. On sent les multiples influences, autant quand on assiste à des scènes tout droit tirées des meilleurs whodunit que lorsque l’étau se resserre contre un héros pris par le temps. Car Makoto n’a pas beaucoup de temps devant lui, en revenant avant le premier meurtre, il doit le débusquer avant que ses camarades soient de nouveau assassinés.
Les mystères sont nombreux mais se résolvent assez rapidement, car avec seulement quatre tomes, l’autrice multiplie les idées sur une rythme important en évitant l’écueil de faire traîner son enquête en longueur. Elle prend toutefois le temps de raconter ses personnages, qui se dévoilent peu à peu alors que Makoto est bien obligé de retrouver ses anciens camarades, qu’il déteste, pour certain·e·s. L’occasion de multiplier les points de vue sur un drame qui unit le groupe et qui a eu lieu quelques années auparavant, mais aussi une manière de donner corps et vie à une intrigue qui ne manque pas d’humanité. Plus que de simples victimes d’un récit policier, ces personnages tendent à intriguer et à émouvoir, tous·tes ayant des choses à dire, une vie et des ambitions. C’est là que le manga fait fort, en donnant un véritable sens à la quête de Makoto, confronté à ses anciens camarades, qui réalise vite qu’il n’est pas là que pour se venger des onze années de souffrance. Il est aussi là pour sauver celles et ceux qui n’auraient pas dû perdre la vie aussi tôt. Le premier tome du manga est d’ailleurs un véritable exemple de mise en place narrative, avec des protagonistes à l’intérêt rapidement mis en évidence mais aussi une manière très réussie de raconter la descente aux enfers de Makoto suite aux accusations de meurtre, de l’arrestation jusqu’à son exécution. Onze années que la mangaka résume en quelques pages sans perdre sa force dramatique, avant d’enchaîner sur son enquête.
Des personnages à plusieurs niveaux de lecture
On peut regretter malheureusement une conclusion moins intéressante : les dernières révélations dans le tome 4 donnent l’impression de rechercher le twist à tout prix, quitte à ce que le surplus de rebondissements finit par être lassant. Il serait toutefois dommage de condamner le manga pour une conclusion en deçà du reste, car l’autrice tient bien son histoire de bout en bout et offre un manga rythmé, avec un style visuel particulier mais qui convient bien au thriller, et une galerie de personnages qu’elle raconte très bien. On trouve plusieurs niveaux de lecture sur ses personnages avec un bon renouvellement des intentions et des caractères au fil des pages, on sent qu’on est face à quelque chose de très inventif. Tamaki Vanessa Chihiro montre en effet une belle originalité dans son approche du thriller, en s’appropriant certes certains codes du genre mais en y insufflant son propre style, un genre presque littéraire tant elle s’amuse des mots et des situations pour donner vie à son enquête.
Doppelgänger est certainement un beau cadeau à faire (ou à s’offrir) aux personnes qui aiment les enquêtes et les romans policiers. Le manga offre une plongée parfois suffocante dans une quête de vengeance qui n’oublie jamais de conserver une forme d’humanité, en donnant vie à des protagonistes qui ne méritent pas un destin si funeste. Fort d’une narration maîtrisée (malgré la sortie de route à l’approche de son dénouement) et d’une écriture très fine, le manga de Tamaki Vanessa Chihiro est une réussite à côté de laquelle il serait dommage de passer. Le coffret proposé par Kazé Manga en cette fin d’année, regroupant les quatre tomes de la série, n’est toutefois pas très qualitatif. La faute à une « boîte » de mauvaise qualité, facile à déchirer, qui rassemble péniblement les quatre tomes que l’on a plus vite fait de sortir et de poser dans la bibliothèque comme s’ils avaient été achetés séparément.
- Doppelgänger est disponible dans une intégrale en librairie depuis le 17 novembre 2021.