Chorus | Dans la tête d’une guerrière

by Anthony F.

Créateur de la sympathique licence mobile Galaxy on Fire, le studio Deep Silver Fishlabs s’essaie désormais au développement sur consoles et PC, en livrant un premier titre intitulé Chorus. Encore une fois situé dans l’espace, univers de prédilection du studio, le titre mélange des intentions de RPG à un gameplay résolument orienté vers le shooter spatial pour donner un résultat plutôt surprenant, faisant de Chorus un des jeux qu’il ne fallait pas manquer fin 2021.

Critique écrite suite à l’envoi d’un exemplaire du jeu par son éditeur. Jeu terminé sur Xbox Series X. 

Itinéraire d’une âme perdue

© 2020 Koch Media GmbH. Developed by the wholly owned development studios Deep Silver FISHLABS and Deep Silver Dambuster

Les jeux prenant place dans l’espace sont bien nombreux, et mélanger le RPG au shooter spatial n’a pas grand chose de novateur non plus. On pense par exemple à Rebel Galaxy Outlaw il y a quelques années qui était plutôt sympathique avec ses influences de western. Mais Chorus a d’autres choses à offrir en puisant ses inspirations ailleurs, par exemple du côté de Hellblade, en nous faisant incarner une héroïne qui tente de lutter contre ses démons intérieurs, symbolisés par une voix qui l’accompagne dans son aventure. Cela donne au titre de DS Fishlabs un ton bien plus grave que ce que l’on imaginait au premier abord, avec cette femme traumatisée, souffrant des conséquences d’une guerre à laquelle elle semble avoir pris part -et plutôt du mauvais côté. Des souvenirs de massacres et d’horreur se montrent à elle, des éléments que l’on apprend au compte goutte au travers de rencontres, mais aussi d’échos d’événements passés que l’on peut partiellement revivre avec divers collectibles. Son histoire semble mélanger une certaine forme de mysticisme à des récits de guerre plus classiques, le jeu traitant de plusieurs thématiques allant des massacres au déplacement de populations, avec par exemple une mission d’escorte de vaisseaux réfugié·e·s, où il nous sera demandé de faire un choix entre sauver des pirates face à l’adversité, ou les laisser à leur sort. Des dilemmes moraux (qui n’en sont pas vraiment, pour peu qu’il nous reste une forme d’humanité) s’imposent ainsi à une héroïne brisée et plus nuancée qu’elle n’en a l’air au départ, trébuchant parfois sur la ligne séparant le bien et le mal.

Si Chorus reste aussi mystérieux sur son histoire, c’est aussi pour appuyer sur un univers où des simili-milices (à la limite de sectes) tentent de gagner du terrain et profiter d’un certain chaos ambiant, et en leur centre des populations qui font ce qu’elles peuvent pour survivre sur des stations parfois laissées à l’abandon. Il y a d’ailleurs un vrai sentiment d’être face à quelque chose de gigantesque, notre petit vaisseau semblant bien minuscule face au gigantesque de certaines comètes, stations et croiseurs que l’on rencontre. C’est, en ce sens, une vraie réussite tant Chorus parvient à donner l’impression d’être isolé·e et perdu·e dans l’espace, malgré la taille relativement réduite de l’aire de jeu qui consiste en une poignée de cartes que l’on peut visiter librement, pour récupérer des missions (principales ou secondaires) ou simplement se balader. Le jeu le doit notamment à une direction artistique qui sait mélanger des moments plus sombres, plus intimes, à d’autres où la lumière d’une étoile scintille à l’écran pour illuminer le côté d’une station abandonnée, offrant à Chorus une ambiance bien particulière. Celle-ci est appuyée par la bande originale de Pedro Camacho (qui a travaillé sur The Witcher 3, World of Warcraft et le fameux Star Citizen, qui existera un jour, peut-être) capable d’être épique comme il faut à l’occasion. Et cela n’est pas de trop, car l’ambiance du jeu parvient souvent à sauver une histoire qui, si elle a ses bons moments, souffre de quelques moments de vide entre deux grands événements.

Dextérité et agilité

© 2020 Koch Media GmbH. Developed by the wholly owned development studios Deep Silver FISHLABS and Deep Silver Dambuster

Le côté finalement lent et contemplatif de l’histoire et de l’exploration, tranche complètement avec son gameplay où l’agilité du vaisseau est au moins égale à sa vitesse. Les affrontements contre les vaisseaux ennemis prennent vite des airs de chorégraphie, où il faut jauger accélération et dérive pour prendre le dessus. Le système de dérive est d’ailleurs un exemple en la matière, le jeu permettant de laisser partir son vaisseau à la dérive, tout droit, tout en se retournant sur lui-même pour se retrouver derrière les ennemis et ainsi pouvoir les prendre à revers. Le gameplay peut être un tantinet difficile à prendre en main au début face aux nombreuses manœuvres possibles, toutefois le jeu devient vite un plaisir lors de ces séquences, tant le sentiment de réciter un ballet aérien est prégnant et offre une certaine virtuosité dans ce qu’il se passe à l’écran. Ces séquences sont intenses, peuvent parfois tourner la tête, mais constituent des moments de grâce dans un titre qui n’en manque généralement pas.

Mais ces moments s’opposent à d’autres moins folichons, qui consistent en des sortes de donjons que l’on explore à la découverte de divers souvenirs et artefacts, où il faut parfois compléter des sortes de puzzles qui servent essentiellement à exploiter les différentes capacités de notre vaisseau, entité quasi-vivante qui nous parle régulièrement. Ces moments semblent parfois inappropriés, même s’ils ont le mérite d’apporter de la diversité en nous éloignant du gigantesque vide spatial des autres séquences. Mais cela nous oblige aussi à avancer très doucement, calmement, pour passer dans des conduits plutôt étroits où le chemin est tout tracé. Ces séquences sont toutefois aussi exploitées de manière plus intéressante dans d’autres circonstances, puisque l’on retrouve cette même topographie de zones étroites quand on doit -littéralement- détruire d’imposants croiseurs de l’intérieur. Des moments franchement réussis, qui montrent que malgré ses moyens relativement limités, Chorus est capable de faire preuve d’une belle ambition dans la diversité de ses scènes.

Solitude spatiale

Et c’est pour Chorus un bon moyen de donner vie à son univers, en multipliant les ambiances dans un monde ouvert qui est certes relativement petit, mais suffisamment vaste dans ses intentions pour donner l’impression de toujours avoir quelque chose de nouveau à découvrir. Le jeu compte d’ailleurs sur sa durée de vie plutôt réduite (dix à quinze heures) pour éviter de tomber dans la lassitude, se contentant d’offrir tout ce qu’il a pendant le temps que ça dure, avec quelques séquences d’une beauté assez inattendue. Le jeu n’est toutefois pas exempt de tout reproche, puisque que s’il est plutôt joli, il souffre occasionnellement de chutes de framerate (sur Xbox Series X, au moins), notamment dans les donjons dont je parlais plus tôt. On aurait aussi aimé qu’il y ait plus de vie aux abords des stations qui n’ont pas encore été détruites, il faut se contenter de quelques vaisseaux statiques et d’autres qui parcourent les voies rapides installées pour rejoindre les différentes zones.

Chorus est un jeu audacieux, malin dans sa manière de mélanger les situations et fort d’une narration qui a ses bons moments. On lui doit surtout un univers agréable à parcourir et à découvrir, dans une forme d’aventure qui nous invite à explorer le passé de son héroïne torturée pour éviter qu’elle reproduise les mêmes erreurs. Entre ses thématiques mystiques et d’autres plus contemporaines, le jeu sait être intéressant, mais souffre parfois de moments de creux qui viennent mettre un coup au rythme du titre. Pas toujours aussi captivant qu’on l’espère, le jeu est parfois submergé par ses ambitions et par les belles choses qu’il est capable d’offrir, comme s’il ne parvenait pas toujours à maîtriser ses idées jetées sur un brouillon pour éviter de perdre de vue ce qu’il y a de plus important. Chorus est un titre atypique qui mérite qu’on s’y attarde, en lui pardonnant ses quelques errements tant il peut faire preuve d’une belle générosité.

  • Chorus est sorti le 3 décembre sur PC, Xbox One, Xbox Series X|S, PlayStation 4 et PlayStation 5.

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