Plus le temps passe, plus j’ai remarqué que j’avais besoin de renouveau dans mes lectures mangas. Alors j’ai bien conscience que cela peut paraître paradoxal et « pompeux », car je ne lis pas autant d’œuvres que je le voudrais, mais en plus, je n’ai pas lu tous les classiques du genre.
Malgré cela, j’ai besoin de renouveau. J’ai besoin de me sentir surpris par un manga, même si celui-ci a une structure narrative commune à d’autres. Ça fait plusieurs mois que j’entends parler de la nouvelle histoire de Tatsuki Fujimoto, le papa de Fire Punch qui avait déjà fait énormément sensation à l’époque de sa sortie.
De tout ce que j’avais lu sur le mangaka, c’est qu’il arrivait à proposer des histoires dans le style du shōnen, tout en flirtant dangereusement avec le seinen. Mieux encore, qu’il devenait peu à peu un nouveau pilier du manga, pour sa façon de s’affranchir des codes pour proposer quelques choses de véritablement nouveau. Forcément, avec tout ce que j’ai pu en lire à droite et à gauche, je me suis retrouvé extrêmement curieux, moi qui suis actuellement dans une phase ou j’ai besoin de renouveau, est-ce que Fujimoto, avec Chainsaw Man édité en France par Kazé, a pu m’apporter ce vent de fraicheur ?
Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’un exemplaire par son éditeur.
Rebut de la société
Alors que Chainsaw Man s’ouvre sur la présentation de notre héros, Denji, le lecteur est immédiatement confronté à l’apparence du personnage principal. Dès les premières pages, on comprend que l’on a affaire à un protagoniste qui sort de ce que l’on a l’habitude de voir, tout en étant assez commun en surface. Car oui, entre le fait qu’il soit à la rue, qu’il a tout un tas de dettes, ce sont des choses que l’on a déjà pu lire dans quelques histoires ici et là. Mais on apprend que pour régler ses problèmes d’argent, il a vendu des organes et maintenant qu’il travaille en tant que Devil Hunter. Un métier qui paie certes bien, mais qui est extrêmement dangereux, ou il faut affronter des démons, et les tuer. Pour l’aider dans ce travail infâme, il est accompagné de Pochita, un chien-démon-tronçonneuse.
D’une certaine manière et ce en quelques pages seulement, Fujimoto démystifie son héros, au point même de le tuer dès le premier chapitre.
Alors évidemment Denji n’est pas réellement mort, mais l’auteur se sert de cet enjeu narratif assez fort, pour lancer complètement son histoire. Ce qui nous intéresse là, ce n’est pas ce qu’il s’est passé avant sa mort, mais ce qu’il va se passer grâce à celle-ci. Car c’est en mourant, que le véritable héros de Chainsaw Man prend vie. Denji est donc laissé pour mort dans une benne à ordure, avec Pochita, seulement, celui-ci, au contact du sang de son maître, va se métamorphoser avec l’humain, pour ainsi donner naissance au Démon-Tronçonneuse. C’est avec cette nouvelle apparence que Denji va se venger de ceux qui l’on trahi et se trouvera accueilli par une organisation officielle de Devil Hunter.
Souffler le chaud et le froid
Tout le long de ma lecture de ces deux premiers tomes de Chainsaw Man, je n’arrivais à savoir sur quel pied danser, et attention il n’y a rien de négatif là-dessus. C’est justement grâce à cette façon dont Fujimoto joue avec les codes très classique du shōnen que le manga se trouve être très intéressant à lire. Ce looser magnifique qu’est le héros, rebut de la société, repoussé par tout le monde, mais qui va se dépasser, apprendre, et atteindre ses objectifs très classieux, établis dès les premiers chapitres : devenir Hokage dans Naruto, trouver le plus grand trésor de tous les temps dans One Piece etc…
Mais avec Denji, il n’y a rien de classieux, c’est un looser, certes courageux et prêt à se battre pour sauver la veuve et l’orphelin, mais qui va mourir dès le premier chapitre. C’est seulement une fois mort, et donc ressuscité qu’il va savoir quel est son plus grand rêve. Toucher une paire de seins… Outre l’aspect très beauf, à la limite d’être amusant, c’est surtout la façon dont a Fujimoto de démystifier son héros qui est intéressant. On est toujours entre deux feux, à ne pas savoir réellement ce qui fait du personnage principal, un protagoniste intéressant. C’est justement cette façon d’être sur le fil du rasoir, le tout avec une excellente maîtrise qui rend l’histoire et les personnages cohérents dans cet univers.
D’ailleurs parlons-en de l’univers de Chainsaw Man, en quoi tout ce qui nous est présenté est cohérent dès les deux premiers tomes ? La société qui est établie dans ce manga connaît les démons, au point d’avoir créé une organisation pour les chasser. C’est par le biais de cette agence que l’auteur va nous présenter un groupe de personnages hauts en couleurs. Tout comme Denji, en surface ils ont tout avoir avec l’équipe habituelle des shōnen, mais très vite on va se rendre compte qu’ils ne sont ni tout blanc, ni tout noir.
La structure des différentes histoires que l’on peut lire sur ces deux premiers tomes, est assez classique. L’équipe est envoyée à un endroit pour terrasser un démon, les héros sont à deux doigts de gagner, retournement de situation, ils sont en danger, et arrive un nouveau personnage et/ou un nouveau pouvoir. Cela étant dit, tout fonctionne à merveille, même si c’est très classique, on sent que Fujimoto maîtrise son sujet de A à Z, et veut aller plus loin dans son récit, pour proposer des enjeux bien plus forts et importants.
Il y a d’ailleurs un point que j’ai trouvé assez intéressant, et qui je l’espère sera bien plus développé par la suite. Durant quelques pages seulement, nous apprenons que les pays se livrent une espèce de guerre froide, au point d’utiliser des Démons au cas ou si une guerre venait à éclater.
Un renouveau qui fait du bien
En clair, tout ce que j’ai pu lire sur Chainsaw Man se trouve être vrai. C’est rafraichissant, drôle, irrévérencieux, ça détourne le shōnen classique, et c’est ultra maîtrisé dans le fond et dans la forme. Comme je l’ai dit, je suis vraiment curieux d’en apprendre plus sur une potentielle guerre entre les pays, et surtout j’espère que si elle a lieu, le tout sera réalisé intelligemment. Car utiliser des personnes, qui sont des rebuts de la société, comme chair à canon pour répondre à ses propres besoins et déclarer la guerre, il y a clairement un message politique.
En espérant maintenant que Fujimoto prenne un parti intéressant vis-à-vis de ce sujet. Car il faut le dire, si c’est réellement ce vers quoi il souhaite se diriger, derrière un aspect complètement loufoque de démon-humain, il y a une critique de la société actuelle qui peut être vraiment intéressante à développer.
- Les tome 1 à 10 de Chainsaw Man sont disponibles en librairies et le 11e et dernier tome sortira le 10 novembre prochain.