Blue Prince | Une pépite fascinante

par Hauntya

Connaissez-vous Blue Prince, le jeu d’énigmes sorti le 10 avril 2025 ? Développé pendant huit ans par le studio hollywoodien Dogubomb, et produit par Raw Fury, Blue Prince récolte actuellement d’excellentes critiques. Vais-je vous dire le contraire dans cette review ? Non, loin de là. Blue Prince est probablement mon GOTY 2025, et c’est quelqu’un qui d’habitude ne fait jamais ce type de palmarès qui vous dit cela. Vous aimez les puzzles, l’exploration, les vieilles bâtisses pleines de mystères et les directions artistiques originales ? Vous aimez être surpris(e) ? Foncez. Foncez, sans aucune hésitation, et si possible en en sachant le moins possible sur le jeu. Pour cela, je vais tâcher de rester relativement vague sur certains points de cet article, pour vous garder le plaisir de la découverte.

Cette review a été écrite suite à l’envoi d’un code numérique sur Xbox Series S.

Jour 1 – Le labyrinthe

Bienvenue à Mount Holly ! © Blue Prince, Dogubomb, 2025

Le jeune Simon est désigné par son grand-oncle pour être l’héritier d’une imposante demeure : Mont Holly. Cependant, le testament intègre une condition : pour hériter du manoir, Simon doit trouver la 46e pièce…des 45 chambres déjà existantes. Existe-t-il seulement une 46e pièce, ou n’est-ce qu’une folie pour empêcher quiconque de posséder un Mont Holly très mystérieux ?

Simon possède surtout des talents de boy scout. Nous ne savons pas grand-chose sur lui, hormis sa débrouillardise et sa curiosité. Une façon d’en savoir le moins possible, pour se projeter davantage dans l’expérience, en s’identifiant à lui. Trois règles existent pour l’exploration de Mont Holly : interdiction de passer la nuit dans la demeure (Simon dort dans une tente, dans le parc) ; interdiction de ramener des choses dans le manoir, ainsi que d’en emporter à l’extérieur. Car chaque jour, les pièces changent, de manière surréaliste.

En effet, Simon commence son aventure dans un hall d’entrée majestueux, au sol étincelant, accueilli par une lettre de derniers conseils de son grand-oncle, des lustres et bustes grandioses…et trois portes : devant lui, à gauche et à droite. Lorsqu’on tente d’en ouvrir une, on se retrouve avec un choix aléatoire de trois pièces différentes, à devoir choisir quoi créer pour continuer notre route. Veut-on une chambre pour se reposer ? Un couloir pour aller de l’avant ? Une salle à manger avec une autre porte à déverrouiller et une gemme à ramasser ? Un placard cul-de-sac mais comportant des objets intéressants pour la suite ?

Car Mont Holly est composé de quarante-cinq pièces, disposées sur un quadrillage de plan de neuf colonnes et de cinq lignes. 45 carrés. 45 pièces possibles et, tout en haut, une antichambre mystérieuse. Le défi est maintenant de parvenir au nord, à cette antichambre, en composant avec les différentes pièces aléatoires, en évitant les cul-de-sac et en utilisant à bon escient divers objets. Et ce, avec d’autant plus de précaution que chaque pas nous coûte en énergie, dès que nous traversons une porte. Pour arpenter ces 45 pièces, nous n’avons que 50 pas.

Jour 3 – Le terrier du lapin blanc

Blue Prince, Red Prince.. les contes d’enfants et livres plus adultes nous accompagnent durant notre parcours © Blue Prince, Dogubomb, 2025

Bien sûr, Blue Prince paraît simple dit comme ça. Au début, j’ai tâtonné, fait des cartes de route plutôt mauvaises. Et pourtant, au bout de quelques runs, quelques jours, la mécanique devient aussi limpide que grisante. Elle est aussi addictive qu’ingénieuse. Imaginez le nombre de pièces à découvrir. Le nombre d’objets qui nous aident indirectement. Imaginez un chemin chaque jour différent et dont on retire pourtant quelque chose, même quand on croit avoir fait la plus mauvaise carte de notre partie. De l’expérience ; une amélioration permanente ; des indices pour des choses évidentes ou qui ne le seront que beaucoup plus tard.

Blue Prince est un jeu d’énigmes. Il y en a des simples, il y en a des cachées, il y en a dont on note un détail sans savoir qu’il va nous servir ; il y en a d’autres où on a un éclair de génie quand les différents morceaux du puzzle s’emboîtent enfin. Outre cette progression entre stratégie et aléatoire, nous forçant à tirer le meilleur parti de ce qui nous est donné, il possède un côté roguelite qui le rend fascinant. Plus on joue, plus on comprend le jeu, plus on est fasciné. On n’a qu’une envie : relancer une partie pour tester quelque chose d’autre, pour vérifier une théorie, pour enfin tester ce qu’on a failli arriver à faire ou à avoir, faute de nombre de pas suffisants.

Quand je me suis aperçue que les runs de vingt minutes tournaient plus facilement vers quarante minutes, et que ne pas résister à l’envie d’en relancer un, me menaient à deux heures du matin… Oui, j’étais tombée dans un fabuleux terrier de lapin.

Jour 12 – La maison dans laquelle

Un exemple de parcours. J’ai eu beaucoup de Mt. Holly très « jardin » © Blue Prince, Dogubomb, 2025

Mont Holly… Je suis tombée sous le charme. J’ai été fascinée par Blue Prince comme je ne l’ai pas été depuis longtemps par un jeu vidéo. Son gameplay le rend absolument singulier, à la fois atypique par ce qu’il mélange de l’aléatoire, de la planification et du roguelite. Il se renouvelle sans jamais lasser, pas une seule fois, parce qu’il se tient sur la fine ligne d’équilibre entre la difficulté et la satisfaction d’avoir réussi. Parce que chaque run est unique, que tous les joueurs et toutes les joueuses n’auront pas une partie identique selon leurs difficultés, leurs casse-têtes, leurs chemins choisis. Aucune énigme n’est insurmontable ; elle se dévoile peu à peu et ne nous bloque jamais dans la progression, nous empêchant toute frustration trop grande.

C’est aussi la direction artistique qui séduit totalement. De pièce en pièce, Mont Holly se révèle et nous ouvre de nouvelles portes. A la nuit bleu sombre se succède une aube lumineuse et paisible. La musique, presque inexistante (avec un certain regret), nous accompagne doucement, presque moins que le bruit de nos pas dans la demeure. Les pièces sont vides – tout le monde est parti, famille comme domestiques – mais des bribes de vie y traînent. Des journaux, des photos, des mémos, des lettres. Pièce par pièce, Mont Holly nous laisse en savoir un peu plus sur tous les habitant(e)s qui l’ont parcouru, tout en laissant planer une atmosphère mystérieuse, jamais pesante, mais parfois mélancolique. La direction artistique donne l’impression de dessins faits à la main, d’un cel-shading aux traits et aux ombres nuancées, aux couleurs vivantes et chaudes. Si bien qu’on ne se sent jamais claustrophobe dans ce dédale de pièces et de couloirs, mais plutôt chez soi.

Mont Holly est une maison où l’on a vécu, indéniablement. Où des générations se sont succédé, donnant une ambiance particulière à des pièces plus personnelles. Certaines chambres possèdent ce côté violet très chaleureux, entre coussins, lits et fauteuils ; les salles à manger proposent encore des couverts et des verres d’eau. On se sent pris d’une étrange sérénité en traversant les différentes pièces créées. Il y autant de familiarité dans Blue Prince que de projection de soi, à l’instar de What remains of Edith Finch. Qui n’a jamais rêvé d’une maison aux pièces mouvantes et infinies ? Qui n’a jamais souhaité découvrir un passage secret dans sa propre demeure ? Quelque part, on aimerait y vivre, dans ce manoir. Elle est chaleureuse et confiante comme peuvent l’être les souvenirs d’une maison d’enfance, d’une maison aimée. Mont Holly semble comporter des souvenirs heureux malgré la vacuité des 45 pièces. Elle est une source intarissables de découvertes, de renouveau et d’admiration.

Jour 36 – You should have left

J’ai vu se dérouler le générique de fin. Je suis arrivée au bout du jeu, le cerveau retourné, la victoire en tête, heureuse d’avoir trouvé cette 46e pièce après tant de jours écoulés.

Au bout du jeu… ?

Combien d’expériences reste-t-il encore à vivre dans Mont Holly ? Combien de secrets la demeure cache-t-elle encore ? Quels détails ai-je encore manqués ? Quelles énigmes restent encore à résoudre ?

Y a-t-il plus vertigineuse sensation que celle de se dire qu’on n’a fait que gratter la surface d’un immense mystère ?

Jour 53 – Le château de Barbe-Bleue

Certaines pièces mystérieuses sont vraiment rares. © Blue Prince, Dogubomb, 2025

Il reste une infinité de portes à ouvrir. Blue Prince est un des jeux les plus fascinants, les plus passionnants de ces dernières années, que j’ai pu tester. Il n’a l’air de rien comme ça, et pourtant il est une véritable merveille. Une perle d’ingéniosité, de gameplay, de renouveau, tout en narrant une histoire plus profonde qu’il n’en a l’air – si on se donne la peine d’y plonger. Les novices en anglais auront malheureusement du mal : le jeu n’existe pour l’instant que dans la langue de Shakespeare et il faut reconnaître que certains éléments du lore sont assez obscurs, même avec un bon niveau d’anglais. Pas de quoi entraver la progression principale, cependant.

Blue Prince retourne le cerveau par ses énigmes, par ses couches et sous-couches, par sa capacité à nous enthousiasmer sans jamais nous lasser. Par cette envie toujours présente d’y retourner, de refaire un run, juste pour « voir », pour « vérifier quelque chose », pour le plaisir des yeux. Parce qu’il y aura toujours quelque chose. Même le jour le moins réussi peut apporter un impact positif dans la dernière pièce qu’on ouvre. Il ne nous prend pas par la main, mais nous laisse réfléchir par nous-mêmes, et nous rappelle qu’on est suffisamment intelligents pour ne pas avoir besoin de pop-up ou de dialogue explicatif toutes les trente secondes. Il nous immerge dans une atmosphère aussi poétique que raffinée, nous invite à la découverte autant qu’à la réflexion.

Blue Prince m’a passionnée, rendue addict, m’a charmée par son atmosphère et son gameplay. Je songe d’ailleurs à fonder le club des Blue Prince anonymous addicts. C’est un jeu absolument fou, un jeu qui surprend même encore après sa « fin », un de ces titres qui montre à quel point le jeu vidéo peut être encore d’une inventivité incroyable.

Prenez un carnet de notes, vous en aurez besoin. Ce serait peut-être même agréable d’avoir un(e) compagnon ou compagne de route pour réfléchir ensemble aux énigmes. Franchissez les portes de Mount Holly pour explorer ses dédales et ses secrets. Prenez votre temps. Regardez tout. Observez la beauté des lieux, leur architecture, leurs décors, les traces d’une vie passée. Pas après pas, savourez ce gameplay aussi osé que brillant, qui rend chaque tentative unique.

Marchez, errez, jusqu’à ce que ces pièces soient aussi familières que les recoins de votre propre maison. Au point où dans vos rêves, le quadrillage des colonnes et des lignes vous apparaisse, que vous imaginiez dans vos moments de rêverie quotidienne, où aller au prochain run et comment. C’est une expérience que vous ne regretterez pas, je vous le promets.

  • Blue Prince est disponible sur Windows, Playstation 5, Xbox Series X et S depuis le 10 avril 2025.
  • Les titres de l’article sont des clins d’œil à d’autres œuvres dans lesquelles les maisons mystérieuses et insaisissables jouent des rôles importants : Le Labyrinthe, roman de James Dashner, mais aussi le Labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro ; le terrier du lapin blanc de Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll ; La maison dans laquelle, roman arménien de l’autrice Maryam Petrosyan ; You should have left, film de David Koepp ; et enfin l’opéra Le Château de Barbe-Bleue de Bela Bartok, basé sur le conte de Charles Perrault.

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