Lors de ses derniers tomes, Ao Ashi a connu un tournant : l’histoire du jeune prodige du football imaginée par Yugo Kobayashi l’emmène un échelon au-dessus au sein de son club, avec l’équipe première des U18 où il découvre l’une des dernières étapes avant le monde professionnel. Une excuse pour lui offrir de nouveaux défis, mais aussi la preuve que l’auteur est capable, sans cesse, de renforcer les enjeux de son récit. Suite de cette nouvelle ère avec les tomes 13 et 14.
Cette critique a été écrite suite à l’envoi du tome 13 par son éditeur.
Un caractère, faute d’une technique
Ces derniers mois, on a vu dans Ao Ashi l’évolution rapide de Ashito. Son héros à la détermination sans faille s’est vu opposer de nombreux obstacles dont il est à chaque fois sorti grand gagnant, mais jamais sans gagner en maturité. C’est même devenu d’une certaine manière la thématique principale des derniers tomes, racontant un monde de jeunes footballeurs où la maturité des uns et des autres est essentielle pour se démarquer du lot. Si le talent joue, c’est le travail et la capacité à admettre ses faiblesses qui a permis à Ashito de passer outre les limites qui lui semblaient imposées. Désormais promu en équipe première des U18 (joueurs de moins de 18 ans), le graal avant d’espérer intégrer l’équipe professionnelle, le jeune joueur ne peut et ne doit compter que sur sa force de caractère, sa détermination et sa capacité à comprendre le jeu pour survivre. Parce qu’il découvre un monde où même le moins bon de l’équipe reste infiniment supérieur à lui, tant physiquement que techniquement. S’il est là pour apprendre, paradoxalement, ces deux tomes racontent aussi quelque chose d’étonnant : par sa fraîcheur et sa conception du football qui sort de l’ordinaire, Ashito finit par attirer le respect de ses nouveaux coéquipiers, qui réalisent finalement qu’eux-mêmes peuvent et doivent toujours se remettre en cause afin d’accepter leurs propres lacunes pour progresser, l’équipe première U18 n’étant pas un simple but à atteindre mais une étape. Ashito quitte vite son image de mouton noir du groupe, permettant au récit de ne pas s’embourber à nouveau dans un schéma qui a été vu et exploré il y a quelques tomes, où le héros tombe sur un obstacle et apprend doucement à le surmonter. Au contraire, on découvre un personnage plus sûr de lui, capable d’assimiler les choses assez rapidement et de tirer partie des compétences acquises précédemment pour s’en sortir.
Cela pousse d’ailleurs son entraîneur à remettre en place Akutsu, censé être un leader de la défense de l’équipe première, qui était irrité par Ashito. Une scène forte montre Fukuda, le coach, à lui remonter les bretelles en plein match, insistant un peu plus sur la nouvelle dynamique qui se met en place, où Ashito est désormais suffisamment bon et malin pour que les autres, y compris ceux qui jouent à un niveau supérieur, aient quelque chose à apprendre de lui. Cela offre un récit plus intense, bardé de scènes puissantes et parfois même touchantes, où le match qui y est raconté devient vite secondaire pour que l’on ne se concentre que sur le lien qui se forme entre le héros et ses nouveaux coéquipiers. Un lien qui passe cette fois-ci plus par l’entente footballistique que les liens d’amitié (au contraire des précédents tomes avec ses camarades habituels), poussant le personnage à mettre un premier pied dans ce qu’est réellement le football à haut niveau : un sport où l’entente est absolument indispensable sur le terrain, en jouant sur les qualités de chaque coéquipier, peu importe les relations en dehors du terrain. Akutsu, le patron de la défense, et Ashito n’ont rien de grands amis, mais cela ne doit pas les empêcher de jouer ensemble. C’est probablement une vision un peu cynique, mais qui trouve une réalité alors que l’histoire du football a été faite par de nombreux joueurs et joueuses qui n’ont jamais pu s’entendre en dehors du terrain (et qui se sont parfois fait de sacrés crasses) mais qui trouvaient une véritable entente, décisive pour leurs équipes, une fois les crampons et le maillot enfilés.
L’effort de groupe
Et puis tous ces efforts laissent parfois place à de belles scènes de camaraderie avec ses potes du centre de formation, mais aussi et surtout des liens plus forts qui se forment entre certains d’entre eux, comme Togashi (toujours l’un des meilleurs personnages du manga) qui ravale sa fierté pour progresser en demandant des conseils à Ashito. Un personnage super intéressant qui convoque l’image du « délinquant » à la japonaise, espèce de biker sorti des années 1980 avec une banane improbable, mais qui s’était vite révélé comme un personnage sensible et profond. Ao Ashi n’est d’ailleurs jamais plus fort que lorsque son auteur y raconte cette bande de gamins aux rêves sans limites, soudés par la force des choses, alors que leurs personnalités atypiques les ont toujours mis en marge de leurs milieux respectifs. Et c’est pour ça que le manga brille une nouvelle fois sur les scènes du quotidien, hors-terrain, où la vie personnelle des jeunes joueurs est racontée. Un gros plus enfin pour les dessins de Yugo Kobayashi qui s’affinent de tome en tome, plus que jamais éclatants grâce à une mise en scène talentueuse. Il alterne avec une facilité déconcertante l’intensité des matchs et les scènes dramatiques du quotidien, toujours avide de quelques plans forts qui donnent plus de hauteur à sa narration.
Comme toujours, Yugo Kobayashi parvient à amener son manga sur de nouveaux terrains, de nouveaux enjeux avec la même soif de qualité. Ao Ashi est l’un des grands mangas de ces dernières années, grâce à sa bande de personnages terriblement attachants, et ses enjeux qui se renouvellent régulièrement pour éviter de tomber dans une routine qui ferait du mal à sa narration. Chaque nouvelle sortie est un petit plaisir, et ces deux derniers tomes en date ne dérogent pas à la règle. Si vous n’avez pas encore sauté le pas, foncez et découvrez Ao Ashi.
- Les tomes 13 et 14 de Ao Ashi sont disponibles en librairie aux éditions Mangetsu.