Il y a quelques mois débarquait dans nos contrées, sans crier gare, un certain Ao Ashi. Démontrant rapidement ses qualités, bien au-delà de la simple question du football qui est son thème central, le manga de Yugo Kobayashi raconte à sa manière tout ce qui gravite autour d’un gamin qui intègre un centre de formation d’un grand club Japonais, autant sur la question de l’argent, de l’ascension sociale, que sur sa propre volonté à se dépasser. Une œuvre généreuse, dont le tome 4 débarquait ce 1er septembre.
Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’un exemplaire du manga par son éditeur.
Les rêves au défi de la réalité
Le quatrième tome de Ao Ashi met son héros, Ashito Aoi, face à un mur. Tant au sens propre qu’au sens figuré, le jeune footballeur s’entraîne sans relâche en tapant seul, dans sa balle, face au mur pour enfin pouvoir progresser. Car ces premières semaines en centre de formation mettent l’aspirant face à une terrible réalité : aussi talentueux il pensait être, le football n’est pas inné, et son parcours chaotique l’a empêché d’acquérir des gestes basiques que les autres jeunes du centre de formation maîtrisent comme les professionnels. Un gouffre se crée déjà et cela donne l’occasion au mangaka de mener son héros à une introspection, lui donnant plus que jamais un air humain, loin des miracles qu’il a accompli pour parvenir à intégrer ce centre dont il rêvait. Ashito Aoi est faillible, pas aussi fort qu’on le pensait, il n’est qu’un produit brut qui pourrait ne jamais être au niveau de ses coéquipiers. C’est un vrai renversement dans la narration qui donne un vrai coup de fouet au manga, montrant que Yugo Kobayashi a encore énormément de choses à raconter, et que son histoire dépasse allègrement le cadre du gamin surdoué à qui tout réussit.
Cela renforce un peu plus l’ancrage du manga dans la réalité. On est loin de certains shōnen qui racontent une sorte d’homme providentiel, héros de sa propre histoire capable d’accomplir des miracles au bon moment. Ao Ashi préfère parler d’échec et d’entraînement, son auteur s’intéresse encore à la question sociale et au coût qu’un tel rêve représente pour la famille, modeste, du héros. Et surtout, ce quatrième tome lève le voile sur les rivalités qui se créent dès le plus jeune âge, sur les frictions et la compétition qui s’installent entre des jeunes qui jouent leur vie dans les catégories « U18 », espérant, pour les plus talentueux, intégrer rapidement l’équipe professionnelle. Un monde difficile où navigue à vue notre jeune héros, dont la confiance s’effrite à mesure qu’il se retrouve confronté à bien plus fort que lui. C’est d’ailleurs ce qui permet à Ao Ashi de retomber sur ses pieds et de revenir aux fondamentaux du genre.
Plus shōnen que jamais
Il y a en effet, plus que jamais, quelque chose de shōnen dans ce quatrième tome. Racontant traditionnellement des voyages initiatiques, le genre oppose souvent ses personnages à leur capacité à s’améliorer, à progresser et à gravir les échelons pour atteindre leur but. Avec son entraînement aux faux airs de tournois de combat tout droit sorti d’un shōnen plus classique, ce tome s’accapare tous les codes du genre pour mieux propulser son personnage vers de nouveaux objectifs. Confronté à sa propre incapacité à surmonter un obstacle, il doit s’entraîner dur, à la manière d’un combattant (dans de nombreux autres shōnen) qui doit devenir plus fort pour battre son adversaire. C’est aussi le bon moment pour introduire de nouveaux rivaux, des gars souvent talentueux, qui lui mènent la vie dure (ou même en le dénigrant franchement), des personnages aux allures toujours terriblement charismatiques. A l’image de ce rival, qui deviendra peut-être un ami, au style de bōsōzoku, avec cette coupe de cheveux caractéristique des gangs de motards Japonais qui affolent l’imagination de nombre de mangaka. Car Ao Ashi c’est un peu ça aussi, c’est le récit de personnes en marge d’un système, qui tentent d’y percer pour s’offrir une autre vie.
On se répète peut-être au fil des tomes, mais il est évident que Ao Ashi a tout d’un grand. Les émotions, les questions sociales, la force et la vigueur d’un shōnen, les rivalités, les personnages charismatiques et sans oublier le dessin et le découpage qui font tout le rythme d’actions survoltées, tous ces éléments font du manga de Yugo Kobayashi une des plus belles découvertes de l’année. Capable de varier le ton, comme on l’a vu avec l’interlude du tome 3 qui ralentissait le rythme de l’action pour mieux raconter d’autres questions qui gravitent autour du football, l’auteur mène d’une main de maître un manga qui ne cesse d’enchaîner les grands moments. Attachant, Ashito Aoi est un super personnage, avec une profondeur et une vraie réflexion sur son comportement et sa manière d’être, offrant au manga des moments particulièrement touchants.
- Le tome 4 de Ao Ashi est sorti le 1er septembre 2021 aux éditions Mangetsu (disponible en librairie).